e jour où j'ai vu rouge dans la cuisine le soleil tentait d'apaiser notre différent
Sur les murs le jaune clignotait comme un vieux bonze
Moi je ne voyais que le rose de tes joues et j'agitais la laisse propriétaire
Déjà tu étais partie, tu ne savais que courir là où il n'y aurait peut-être personne pour s'aventurer
En tous cas pas moi, perclus par mes propres amers je te faisais quand même signe de loin
D'une île à l'autre, il s'agit de capter les vents et de leur confier de grandes voiles pleines d'espoir
Le jour où j'ai vu rouge, je n'ai pas voulu de ce rose sur tes joues pleines
Tes yeux m'ignoraient, lestés de la vie des scolopendres, ceux qui fouissent jour après jour et n'arrivent jamais où doit être le ciel
Tes yeux m'agitaient des sémaphores en langue inca
Quand j'ai commencé à accepter le rose sur tes joues il était trop tard nous avions déjà sauté en plein hiver
Et je n'ai pas choisi de couleur le jour où on a enterré ensemble les deux ailes de notre ange
Rose fluo, pétard, bonbon, marchand de fleur, pourquoi faut-il qu'il y ait toujours du rose au-dessus des fondrières ?
Voyez toutes ces familles et leurs roses bonheurs aux joues si pleines pour cacher l'odeur des petits meurtres communs, de générations en générations comme elles se ressemblent
Bon dieu, le rose des colifichets familiaux
Bébés en sautoir, jeunes filles en pudeurs et pater familias infusés dans l'alcool
Voilà le rose des avenirs maquillés
Bon dieu, les roses renoncements de la misère rebondie abonnée aux chamboule-tout des fêtes foraines plantées sur champ perdu en fond de province
Le temps de l'amour a ses couleurs et j'en suis bien volontiers le peintre
Toujours prête, ma palette de sentiments
Cruel beau temps qui se termine quand nos yeux ne supportent plus la double-vue
A travers sa pâleur on devine à peine nos errances, nos baisers et nos jouissances
C'est la vie, comme on dit à bout de mots sur le miracle, rien à voir avec le rose.