Au domicile de M. et Mme Duvalot. Ils sont en train de souper. M. Duvalot répond à madame.
- Tu n'as pas entendu ce qu'a dit Macron, même chez nous il est recommandé de porter le...
- Chérie, tu peux quand même enlever ton masque à table, c'est le repas. Quand même !
- Tu n'as pas l'air de bien comprendre la situation.
- Oh, ne commence pas, hein, ne commence pas !
M. Duvalot boit une gorgée de son coca ligt, avant de poser son verre tout en remettant son masque en place. Il croise les doigts et regarde sa femme.
- Tu t'es fait dépistée hier.
- Et alors, j'étais négative.
- Ne crie pas, tu veux, tu vas réveiller Manon.
Mme Duvalot se frotte le visage, lève les yeux au plafond.
- Je ne crie pas, tu es borné, c'est tout.
- C'est celà, oui...Tu as vu qui, depuis le dépistage ?
- Non, mais... La voisine, juste avant de rentrer. Et c'est tout !
- Mme Azulero...Elle est espagnole, tu le sais.
- Et alors ?
- Eh bien, les coutumes, les préjugés, c'est pas rien. Elle est clairement contre les mesures de sauvegarde sanitaire. Toujours sans masque. Aussi bien...Elle a attrapé quelque chose....Elle pourrait même pas se signaler, mais elle n'a pas de portable. Pffff...
- N'importe quoi !... Elle vit en France depuis trente-sept ans. Et je l'ai déjà vue masquée.
- Oui, pour l'anniv de son petit-fils...Méfiance, je te dis. Tu es peut-être...Toi aussi...Aussi bien.
- Arrête avec tes "aussi bien". Arrête ! Je te le dis, j'en ai ras-le-bol, moi !
M. Duvalot pince les lèvres, tend le bras et prend la main de sa compagne qui regarde ailleurs, le menton tremblant.
- Tu sais que je t'aime, ma puce d'amour. Je t'aime si fort que...Je t'aime...Mais le covid ne t'aime pas, lui. Et Manon, tu y penses à Manon ?
Mme Duvalot tourne la tête très vite vers son mari, le fixe un instant en silence.
- Il n'est pas question que je dorme avec le masque, tu entends !...
- Mais, chérie...Je ne t'ai rien demandé. D'ailleurs, moi je l'ai enlevé quand on s'est embrassés, hier soir. Et je ne l'ai pas remis. Avant qu'on ait....fini.
Mme Duvalot secoue la tête. On entend un claquement de vertèbres.
- Fini, tu dis. Fini. C'est ça, c'est le mot. Fini. Tu n'es qu'un...
M. Duvalot reste silencieux, baisse le masque avant de le remettre en place de la main gauche. La main droite caresse celle de sa femme. Mme Duvalot regarde les mains puis le visage masqué de son mari.
- Lache-moi...Lâ-che-moi !!
Mme Duvalot garde la main libérée à hauteur de poitrine et se lève très lentement. Elle parle, le regard dans le vide.
- Tu es...Tu n'es pas normal...Non, non, tu es...
M. Duvalot allonge le bras vers sa femme. Elle lui tape sur la main, plonge sur le plat de lentilles au milieu de la table, le soulève et projette le contenu sur son compagnon avant de laisser tomber le plat sur la table. M. Duvalot s'écarte, se lève à son tour. Sa chaise tombe. Mme Duvalot ramène les mains sur son visage et gémit. M. Duvalot contourne la table, saisit sa compagne par le bras. Elle ne bouge pas. Il la tire à lui, elle s'incline vers l'arrière. Il tire plus fort. Elle fait un pas sur le côté, puis un pas vers lui. Il l'entoure des deux bras, la serre. Elle pouse un soupir. Il baisse le masque, l'embrasse dans les cheveux, dans le cou, dans les cheveux encore, sur le front puis la bouche. Des lentilles tombent dans les cheveux et sur la poitrine de Mme Duvalot. Entre eux sont écrasés des bouts de carottes et d'oignons. Mme Duvalot passe une main dans le cou de son compagnon et cogne de la tête son torse avant de renifler et de le repousser.
- Enlève-moi ça, tu as vu comment tu es ?!...
Elle sourit, lui aussi. Ils s'embrassent. Il commence à retirer son pull, puis sa chemise et son pantalon. Mme Duvalot rougit et se penche, atttrape le paquet de linge.
- Je vais faire une machine.
Mme Duvalot se rapproche de son mari et sans le toucher souffle sur sa main un baiser, puis se tourne vers la cuisine. M. Duvalot renvoie un baiser sonore, rajuste son masque.
- A 60°, s'il te plaît... C'est la température minimale pour...
M. Duvalot ne finit pas sa phrase. Mme Duvalot s'arrète puis repart vers la cuisine.