quel temps ma mémoire ramène-t-elle
le lierre enserrant le passé
tresse une réponse peut-être
aujourd’hui je pleure
près d’une fontaine tarie
tant de visages avalés
par la terre dernière
tant de mains tremblantes
au bord du souffle ultime
tant de chemins effondrés dans le néant
ils s’appelaient Michel Serge ou Joël
sur le bord friable de l’espérance
la machine est venue les cueillir
un à un
je ne sais pas de la vie
quelle brassée ils attendaient
un à un
ils ont viré
vers la pente sans lumière
la machine n’a eu besoin
que d’un souffle
nous étions tous au bord
de la rupture accélérée
ils s’appelaient ça veut dire nous
les épines de nos âmes pointaient
vers le hors-piste
les sans-nom se reconnaissaient
ce temps épuisé on l’appelait
le temps des cerises
la machine étale ses gouttes d’huile
en miroirs trompeurs
ne pleure ni ne saigne ni ne cesse
ils tentaient tous les rêves possibles
au bout des paradis borderline
parfois la mort est bonne fille
ils s’appelaient comme les larmes se suivent
ils s’appelaient un temps gris
ils s’appelaient perdants
la machine ignore les bruits du cœur
qui dit non
nous sommes là
toujours et encore
la machine ne sait que remâcher
nous sommes toujours vivants
à l’agonie
la machine
toujours
vivants