petits pas, obstinations diverses
Par alainLasverne
a réserve inépuisable d'amour espéré repose non pas sur la potentielle fusion transcendante, mais sur les sensations, braise des souvenirs. Moiteur salivaire, parfum caressant, rythme charnel partagé...L'amour n'est pas cosa mentale, enfin, pas vraiment, pas au début et peu à la fin. Sauf cas rare, la passion qui s'appuie sur l'alchimie du corps précipitée en demeure commune où l'esprit peut s'épanouir sur les braises de la chair.
Les parties concourantes de l'angle ne se rencontrent pas. L'angle fait obstacle à toute rencontre fusionnelle. La nature de l'angle est d'installer un no man's land, littéralement. Quel homme, quelle femme va chercher l'amour dans un angle. L'écolier des temps oubliés du bonnet d'âne, lui peut-être. Dans l'un des angles du mur ceinturant la cour de récréation, comptant les pierres, calculant quelle sorte et quelle quantité d'amour il devait ne pas donner a priori, inconditionnellement au maître à la maîtresse, cruel(le), forcément à l'heure des exercices ratés.
L'angle sectionne, intersectionne, définit deux chimères et deux avenirs distincts. L'angle est père de deux filles, stratégie et tactique.
J'entends qu'on crie dans la rue embrumée, en bas. La poésie. De l'angle. Ah, je ne sais pas, moi. Je ne suis pas là pour. Cœur, mains, soupirs, nuages, roucoulements et roses effeuillées, ces exemplaires rayons de l'amour sont vôtres.
La poésie de l'angle est aussi une rencontre. Dans l'écart, il y a confrontation initiale, il y a rencontre, même avortée. Le bois et le champ, le lapin et la cocotte forment un tout, si on veut aller au-delà des certitudes proprettes. Le bois et le champ n'ont-ils pas la même nature terreuse ? Le lapin et la cocotte ne forment-ils pas un attelage nécessaire vers le gosier ? Dans l'angle surviennent des passions inédites qui coïncident avec un idéal. Elles se sont frottées au compromis sans compromission. Pour ne pas s’abîmer dans les traverses, pour ne pas s'aliéner les anges, pour garder le rythme des souffles, le souffle du rythme.
Sinon, il faut en convenir. Contrairement à la ligne droite qui sait rejoindre sa moitié au bout de l'azur, la poésie de l'angle peut demeurer, présente mais inerte, juste réduite à des mots qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Rien que de mots, quoi. On appelle ça, les figures de l'angle mort.
Thème Magazine © - Hébergé par Eklablog