Vu. Une œuvre, une personne, une sensation, une pensée... Instantané beauté.

u un taureau en bronze, à jamais tendu vers le combat. Des reflets se croisent, s'annulent, se renforcent sur ses flancs. A l'origine, la mêlée soigneusement réglée de petits boutons, filaments, cordages et autres plaques inégales. De loin, le corps en mouvement, énergie pure propulsée métal. De près la floraison d'une bête sortie quelque part d'Alien, à moins que ce soit d'une armoire ancienne ou d'une rivière trouble. Car troubles sont les reflets de ce bronze à peine éclos du four, qu'on dirait d'une ancienneté sans âge.

Sète, Salle Marquès. Je suis le gardien du bestiaire, pour quelques heures, et je regarde moi aussi les murs de la grotte-galerie. Et voilà que Picasso pousse un peu sa corne dans les silhouettes taurines à contre-jour de la rue. Et voilà que je m'étire à la porte, la beauté infusant dans ma tête. Et passe une mobylette. Elle s’arrête. On papote deux minutes, la conductrice et moi, on laisse la parole faire son tour comme toujours. Elle aide à domicile, pas facile. On se laisse, tranquille, ciao-ciao. Je reviens à mon taureau, pas pour lui rendre ce qu'il m'a donné, ce sera pour plus tard. Je prends encore. Je le dirai juste après au sculpteur, ce que j'aime le plus, finalement, dans ses bêtes aériennes, c'est les trous. La matière, il en a mangé une bonne partie, faut dire. S'il y a un socle sous chaque sculpture, c'est pour les retenir de s'envoler.

Sans doute, je retrouve là le travail de relecture. Revenir, aller vers l'épure. Dire le moins, pour exprimer le plus. Ainsi toute la puissance, la lourdeur, le fracas du taureau explosent dans le vide des têtes béantes.