• Le temps qu'il nous a manqué

     

    François Hollande. Un hommage ? Pas exactement.

     

     

    Le temps qu'il nous a manqué

     

    Le temps qu'il nous a manquérançois Hollande est mort hier. Je le connaissais peu, par ouï-dire, autant dire pas du tout. Souvent je l'apercevais gesticulant dans l'écran. De plus en plus heureux, de moins en moins capable de fuir. Il aurait voulu, mais la puissance de la lumière le tenait bien. Enfin, je crois. Je ne sais pas, je ne sais plus, avec lui.
    François Hollande est mort aujourd'hui. Sur les pas de la procession il y avait beaucoup de lumières, de beaux visages en larmes. Hommes et femmes requis racontaient combien il était grand, combien il était sage.
    Ça fait plusieurs mois qu'il a disparu de mon écran à moi. Je n'arrive plus à me souvenir de son visage comme je le voyais avant. Je cherche et je ne trouve rien. Hier, sa vie et ses actes ont disparu aussi, comme s'ils n'avaient pas été, comme un rêve oublié dès le réveil.
    Non, je ne peux écrire ça, puisque j'écris justement à son propos. Pas oublié, non. Ses traces sont là. Elle ne brillent pas exactement comme la bave de l'escargot qu'on voit presque luire, si on regarde bien.

     

     

     

    François Hollande a creusé dans nos vies, les a évidées, fragilisées de l'intérieur. Il est difficile d'être ensemble maintenant, même les familles, surtout les proches ont du mal à se supporter. Mais ne peuvent vivre séparés. Alors, faire société, comme on dit.
    François Hollande, quand il est revenu, disait, je m'en souviens, maintenant que j'ai éteint le poste, il disait des phrases qui nous rappelaient avant. Comme si avant était meilleur, il n'est jamais meilleur avant, mais on le croit toujours parce qu'il faut croire pour aller vers l'après. L'après venait avec lui, lové dans les clés de nos mémoires dont il jouait jour après jour, quand il était là, avec nous. Enfin, pas loin de nous. Dans la lumière des images taillées. Il parlait et moi, et les autres, ce n'était pas lui que nous entendions, mais la caravane des fins, le temps du repos, des pièces grandes et fraîches où nous nous tenions debout. Il était pauvre en évocation, mais le sort qu'il frottait était tellement puissant.

     

     

     

    L'après, nous lui avons donné les clés pour le bâtir. Avec nous, il devait bâtir.
    François Hollande a juste oublié ça. Non, plus exactement, il a d'abord oublié ça. Ensuite, je ne m'en souviens plus, déjà. J'ai tellement serré les dents, mais comme si ça tombait dans la rue là-bas.
    Je ne l'ai plus entendu. Avec juste l'effort supplémentaire d'ignorer sa présence, contrairement à aujourd'hui. Ses mots ne me concernaient plus, ses actes je ne les considérais pas. Un vent mauvais, un orage général, long et douloureux. Bien sûr, les traces. Ô combien de traces. Partout on voyait les marques du carnage, elle commençaient dans nos yeux et notre fatigue au réveil. Je ne l'entendais plus, je ne le voyais plus. Vous connaissez l'histoire du fils prodigue. Le fils prodigue ne marche que si on l'aime au départ. François Hollande, au début on l'aimait comme on aime quand on a déjà aimé. Et voilà, on a vite vu, on a vite su que cette fois ce serait pas la bonne. Comme on si on le savait pas avant. L'après, on voulait tellement l'après. Surtout qu'on venait à peine de glisser hors des décombres.

     

     

     

    Il parlait toujours, François Hollande, mais je m'enfonçais. La vie, enfin la vie : la vie matérielle s'enfonçait. Plus jeune, je voyais les idées comme des objets, des vies en réduction qu'il suffisait de gonfler et on aurait les canots pour rejoindre l'après. Aujourd'hui, je mange et je bois. Je me soigne si j'ai besoin, je sors un peu, si je peux. La vie, c'est surtout de la matière, de la répétition, de l'ennui parfois. Ça peut être bien, l'ennui, s'il est serein. Avec douceur, s'il vous plaît. Voilà ce que je demande. Pas le luxe, pas les lumières ou les serviteurs, ou les grands hôtels. Une peu de douceur dans ce tissu d'habitudes et d'expériences qu'est ma vie. Si j'ai ça, les autres sont proches et on peut tisser ensemble.
    Plus il parlait, moins la douceur revenait, les limites s'approchaient. A ne plus respirer, à ne plus le reconnaître, à ne plus le supporter.

     

    François Hollande est parti pour son après. Il a emporté notre avant, alors pour notre après faudra attendre. Il m'a même ôté les mots pour dire combien il nous a manqué, le temps qu'il était là.

     


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