• Chant de la neige souillée

    Chant de la neige souillée l'aube, nous nous en souvenons

    Nous l'avons gravé dans cette pierre

    Remontée de bien plus bas que les saletés nucléaires

    Ils sont arrivés à l'aube

     

    Nous n'attendions rien sinon que force revienne

    En nos membres, en nos têtes, en notre patience belliqueuse infinie

    La République des Territoires d'outre-Monde

    Avait le dos rond et l'estomac creux

    Nous venions de loin, d'un temps

    Dans nos têtes déployé, incarné, augmenté

    Nous venions là, sur cette lande sans âme

    A la vérité nous y étions déjà depuis longtemps sans savoir le pourquoi du vide

    De notre silence, de notre stase

     

    La plaine a brûlé soudain de partout, sans raison, sans oraison

    Alors nos âmes se sont réveillés comme si on avait frappé à nos portes

    D'un coup, d'un seul, définitif et bouleversant

    Tout autour de nous s'est ordonné la terre et les eaux, comme si de création avions pouvoir

    Le fiel et l'ombre sont apparus pour nature merchand

     

    Il fallait prendre et rendre, il fallait briser le gel entravant demeuré

    Chanter nos angélus païens, nos chants de guerre et notre rivage espéré, tel était le baume

    Et tuer, les tuer tous, les éradiquer sans pitié, sans délai,

    Oublier même dans notre certitude purificatrice que nous les exterminions

    Beaucoup pleuraient au moment suprême, ils tournaient des mots inouïs, des vortex suaves

    Sans effet, l'odeur des charognes merchand éventrées saturait le ciel même

    Flottaient et flottaient toujours nos couleurs que la suie de la guerre couvrait lentement

    Flottaient nos espoirs et notre magnanimité frémissante du sang des barbares

    Élevés en damnation et flétrissure

    Il fallait tourner dans le sang les contours des temps de paix prochains

    Il fallait n'écouter les prêcheurs vérolés appelant le tigre colombe, appelant la laisse paix

    Appelant pour couvrir les voix de nos morts, innombrables, morts dans l’œuf des espérances

    Souillées, brisées, presque oubliées

     

    Ils sont arrivés sans fracas, sans bardas, sans foutraque bordel

    Ils sont arrivés sur la pointe ouest des terres, là où le brouillard est destin

    Ils ont peu pillé

    Ils ont peu parlé

    Maigres, grêlés de peau, grands yeux écartés

    Les conquérants sournois lançaient des rires sans poids

    La langue affable et envoûteuse ils nous investirent sans cesse

    Sans cesse, ils avançaient et peut-on faire autrement que reculer devant des étendards de sourires

    La fureur de renaître, la traque sacrée du merchand, oubliées

    Sans cesse, ils faisaient lit dans nos forts et nos bourgs

    A vrai dire, ils partaient très vite, nous laissant amollis, oublieux

     

    Un jour, le grand Pavois des Hurle et Vient a hurlé

    La surprise et la perte

    Nos flammes, nos draperies, nos cornes et nos mantras

    S'effilochaient là, dans la pluie, dans la suie morte et la terre qui gelait

    Pavois des Esprit mutants lui répondit d'au moins dix lieux le même désastre

    Pavois Détente en flammes répliqua à l'autre bout du territoire

    Ils souriaient, ils s'en allaient nos petites vies dans leurs grandes poches

    Nous partîmes à leur poursuite, mais peut-on rattraper un clin d’œil, une maligne connivence

    Nous récitâmes, éventrâmes charognes alentours, pleurâmes sur nos pieds qui bougeaient peu

    Peu attirés, peu réchauffés

    Peu parlaient encore

    Ils revinrent alors et l’oriflamme sur le cheval gris de tête

    Était ficiel, pur merchand

    Nous étions roulés, dispersés un à un

    La grâce et la fureur s'étiolaient au crépuscule

    Il faudrait encore longtemps

    Il faudrait encore

    Il faudrait.


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