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petits pas, obstinations diverses

Poème atypique

 

 

e commence toujours un poème par « oh, bien sûr », une évidence, comme la fourchette à droite et le couteau à gauche...
Bien sur que non, un poème qui démarre sur une certitude, c'est la mort au tournant. Mais.

 

Mais je voulais (d)écrire la fourchette, ses dents qu'on aime racler au fond de l'assiette pour faire crier maman, papa se lève, alors la claque et je tombe.

 

Finie la fourchette d'enfance. Me pique assez encore, va coucher avec les grillons fantômes et les lucioles.

 

Elle n'en a que faire des fumées et des placards, la fourchette. Elle saigne son magret sans états d'âme. Et qui lui jetterait la pierre ?...Jouissance des gouttes de sang diluées de gras, salive annonçant la première bouchée, mon dieu !

 

 

 

Il fut un temps, révolu, sauf peut-être là-haut où les nuages font courbettes et les nappes brodées dansent la valse sous les mains manucurées. On se piquait de paraître comme si nous étions, là, plus qu'herbe sous la botte. Là, c'était chez le châtelain voisin qui nous faisait paraître à sa table. Bien rangés sur les chaises, à contempler la fourchette et zyeuter, comment t'on fait pour la tenir hautaine sans l'empoigner. Le coup de fourchette servait à peine d'alibi à la scène. Délicatesse. Plante, ma fille, sans avoir l'air, pique suavement et avance vers la bouche en douceur. Tu étais noble, brillante, poinçon sur robe, cuillères grandes ou petites et luisants couteaux à tes côtés. Toujours distinguée.

 

 

 

Pour peu qu'on te laisse libre, tes quatre cavaliers d'acier n'ont aucun scrupule à s'enfoncer dans un bras, une joue, un œil malveillant. Et saigne, et crie, et l'horreur, grossière fourchette mercenaire de la bête qui dort mais un jour s'éveille.

 

 

 

Je sais, aujourd'hui, trop de repas ordinaires où tu t'effaces, laisses ces mains communes t'user sur les proies industrielles, bonnes à garnir sinon nourrir. Terne, émoussée, tu fais ton office sans éclat. Et pourtant, sans toi, que serait le repas. Un autre monde, avec les doigts et le souvenir d'une civilisation que ton secours prothétique chaque jour entretient. Fourchette, monte la garde, protège nos mains, nos doigts du contact. Et si tu sens la force de nos esprits t'emmener sur les rives sombres, alors pique à tout-va, plante, déchire fermement. Tu es notre droite main.

 

 

 

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Les objets aident le jour naissant<br /> à aller à la rencontre de ton regard<br /> et, les volets poussés, ils reprennent leur visage<br /> de témoins d'un monde sans profondeur<br />  <br /> Pour communiquer les uns avec les autres,<br /> ils ont tout un alphabet de reflets<br /> et dès que tu franchis le seuil de ma porte<br /> ils te montrent la place qu'ils t'ont gardée près de moi.<br />  <br /> Ils ne peuvent partager notre existence<br /> mais, de temps à autre, à travers leurs doigts mal joints,<br /> ils nous regardent pour nous rappeler<br /> qu'ils savent de quelle manière nous nous aimons.<br />  <br /> LES POUVOIR DE L'AMOUR<br /> Lucien Becker<br /> Cahiers du Sud 1951
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