arfois, quand on écrit, quelque chose vient et passe à l'intérieur, quelque chose qui est le sentiment générique, l'aura de l'auteur et peut-être d'une certaine façon de son époque, pour localisée, limitée qu'elle émerge au bout de ses doigts.
On lit et apparaissent des choses indicibles, l'arrangement avec des mots ne fait plus bâtiment, mais maison singulière.
C'est ce que cherchait Kerouac, qu'il appela « beat ». Ce qui claque et secoue brusquement chez Ellroy, cette obsession tranquille qui pleure du sang chez Claude Simon.
On peut faire beaucoup de choses pour ce tremblement. Ouvrir grand les yeux et admirer, d'abord. Juste s'envoler sur une phrase, une page, un livre après l'autre. Plus tard faire, faire avec et faire contre.
Bien sûr, le travail. Les heures à écrire dans l'innocence de la bienséance grammaticale, du syntaxiquement correct. On se shoote avec une grâce de seconde main, piquée dans les caves des autres, des maîtres et des rivaux. Morts ou vifs. Bien sûr, on tient la barre. On suit les conseils, on fait du texte bien dégagé au-dessus du bourbier, du magma brûlant. Des histoires à mettre entre toutes les têtes.
Parfois, l'amorce d'un frisson. On relit, on déchire, on se déchire. Ce n'était qu'illusion.
Bien sûr, on tient l'horloge. Il faut du temps, il faut une masse de temps comptabilisable en éons de sentiments glissés sous le tapis, de sorties avortées, de draps sales, d'amours lasses, de stabilités déstabilisées. Voilà, c'est là. Partie, déjà ?...
La Terre passe, tout le monde s'en va vers quelque chose qu'on appelle la vie faute de certitudes sur l'origine et la destination. La page est blanche, la page sera toujours blanche, sa perfection, sa voix qui lèvera nos cœurs et fera surgir le maître de la chrysalide n'est jamais qu'à venir.
Alors la vie. Ses joies, ses peines à inscrire sur le mur blanc. Fatalement.