l’oreiller murmure le même ressac
monsieur Attal
les jeux d’enfants appellent l’innocence
surtout aux yeux des plus sourds
compte j’ai quatre doigts
premier second deuxième troisième et quatrième
un doigt fantôme désordonne une main toute entière tendue
monsieur Attal
il faut prendre la départementale 111
pour arriver au village de France
vil âge de France
qui s’y vit
la pesanteur des jours commence dès la première maison à gauche
monsieur Attal
la cheminée à droite de l’entrée
fait signe empêché
une plaque retient tous les flammèches du passé
blanche elle est blanc est le mur
blanche l’étagère au-dessus
rouge le bocal posé sur l’étagère
monsieur Attal
un petit bocal rempli de sang
posé sur toutes les cheminées
de toutes les maisons à gauche sinon à droite
à l’entrée de tout village français
au bout de la 111
monsieur Attal
on n’église plus
on ne bouliste plus
on ne maison des jeunes plus
on ne banquête plus
on ne voisine plus
on ne boulange plus
on ne poste plus
on ne malade plus
on meurt à peine
en village de France
en ville depuis longtemps
monsieur Attal
on attend la venue d’un autre hiver
pour que s’en aille au crève-cœur
les objets vieux les vieux parlers et les vieux blêmes
les simagrées les pendules et les tirelires
les dimanches à fatiguer tranquille
les coucous et les pommes du voisin
monsieur Attal
on attend comme on espère le pire
tellement c’est déjà arrivé
on se résigne à une espèce de crue
dans la décroissance du sens commun
qui faisait avec nous
monsieur Attal
on attend que ça parle
encore en bottes
on attend que la Lune confirme
qu’il fait jour
on attend les mots qui vont nous dire
on attend d’être enfin stupides
pour ne plus comprendre
qu’on nous insulte
monsieur Attal
on attend ce qui ne viendra forcément pas
on capte des bouts de projecteur
on mâchouille de misérables parfums d’en haut
on écoute la rancœur
de la départementale défoncée au quotidien
on prend son pouls manière de vivre un peu
on baisse les bras sur les genoux
on attend encore pour faire quelque chose
on s’approche de la cheminée barrée
on se dit qu’on a fini ce jour-là
on relève sa manche et on pique
au même endroit
au-dessus du bocal
on se tait
on ne sait plus dire lendemain
monsieur Attal
la lumière est violente dans le poste qui nous veille
simulacre résonne à vitesse-lumière
simulacre répète toutes les danses du vide
simulacre rallume toutes les lumières frelatées
simulacre rallonge toutes les péremptions à mort
le verre n’est pas encore plein
quelqu’un aurait-il l’idée
de le balancer à toute volée
monsieur Attal