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Alain Lasverne.

Alain Lasverne.

petits pas, obstinations diverses


monsieur Attal

Publié par alainLasverne sur 19 Janvier 2024, 18:36pm

 

monsieur Attalh25 vers le matin

l’oreiller murmure le même ressac

monsieur Attal

 

les jeux d’enfants appellent l’innocence

surtout aux yeux des plus sourds

compte j’ai quatre doigts

premier second deuxième troisième et quatrième

un doigt fantôme désordonne une main toute entière tendue

monsieur Attal

 

il faut prendre la départementale 111

pour arriver au village de France

vil âge de France

qui s’y vit

la pesanteur des jours commence dès la première maison à gauche

monsieur Attal

 

la cheminée à droite de l’entrée

fait signe empêché

une plaque retient tous les flammèches du passé

blanche elle est blanc est le mur

blanche l’étagère au-dessus

rouge le bocal posé sur l’étagère

monsieur Attal

 

un petit bocal rempli de sang

posé sur toutes les cheminées

de toutes les maisons à gauche sinon à droite

à l’entrée de tout village français

au bout de la 111

monsieur Attal

 

on n’église plus

on ne bouliste plus

on ne maison des jeunes plus

on ne banquête plus

on ne voisine plus

on ne boulange plus

on ne poste plus

on ne malade plus

on meurt à peine

en village de France

en ville depuis longtemps

monsieur Attal

 

 

on attend la venue d’un autre hiver

pour que s’en aille au crève-cœur

les objets vieux les vieux parlers et les vieux blêmes

les simagrées les pendules et les tirelires

les dimanches à fatiguer tranquille

les coucous et les pommes du voisin

monsieur Attal

 

on attend comme on espère le pire

tellement c’est déjà arrivé

on se résigne à une espèce de crue

dans la décroissance du sens commun

qui faisait avec nous

monsieur Attal

 

 

on attend que ça parle

encore en bottes

on attend que la Lune confirme

qu’il fait jour

on attend les mots qui vont nous dire

on attend d’être enfin stupides

pour ne plus comprendre

qu’on nous insulte

monsieur Attal

 

on attend ce qui ne viendra forcément pas

on capte des bouts de projecteur

on mâchouille de misérables parfums d’en haut

on écoute la rancœur

de la départementale défoncée au quotidien

on prend son pouls manière de vivre un peu

on baisse les bras sur les genoux

on attend encore pour faire quelque chose

on s’approche de la cheminée barrée

on se dit qu’on a fini ce jour-là

on relève sa manche et on pique

au même endroit

au-dessus du bocal

on se tait

on ne sait plus dire lendemain

monsieur Attal

 

la lumière est violente dans le poste qui nous veille

simulacre résonne à vitesse-lumière

simulacre répète toutes les danses du vide

simulacre rallume toutes les lumières frelatées

simulacre rallonge toutes les péremptions à mort

le verre n’est pas encore plein

quelqu’un aurait-il l’idée

de le balancer à toute volée

monsieur Attal

 

 

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