'Ampoule publie dans son numéro 22, sur le thème "Trésors et trouvailles", une de mes nouvelles, Lucioles sous la pluie. Un récit anticipant les dégâts climatiques promis à la planète. Une histoire de lueurs mystérieuses, d'hypers et d'amours noyés.
La journée d'hier n'a été que pluie. Un moment d'accalmie vers dix-huit heures et les gros bataillons de la grisaille ont repris le ciel pour ne plus le lâcher. Personne n'avait même levé la tête.
Nos souvenirs de grand soleil sont délavés. Ce soir, des lames froides tombent toujours sur les plastiques tendus devant les fenêtres disparues, des lames qui ne cesseront qu'au déluge dernier. La pluie de feu promise pour l’Apocalypse serait une véritable délivrance. A vingt-cinq ans, j'ai du mal à imaginer l'éclat et la chaleur de l'astre solaire. La dernière pluie qui m'emportera sera quelque chose comme un aboutissement. Ça doit bien faire trois ans qu'il s'est éteint.
Maman va plus mal, son abcès suppure, elle faiblit de jour en jour. Il faudrait des pansements secs. Mon soleil à moi, tu ne vas pas partir et me laisser seul.. ? Sans papa, puis sans toi, non. Je vais trouver ce qu'il te faut. Tu auras tes médicaments et une boite étanche de pansements, je le jure. Du fond de son lit elle me regarde, et je la vois s'enfoncer. Les os de son visage ressortent de plus en plus. Je résiste à l'envie de me frotter les yeux..
Quand elle est tombée sur cette bêche rouillée, le jour de notre arrivée dans le village, j'ai eu un mauvais pressentiment. Une espèce de débilitante prescience, comme ces chamans qui prolifèrent maintenant que le monde n'a plus d'avenir. Si j'en étais vraiment un, je ne serais sans doute pas venu ici et personne n'aurait suivi le plongeur, pas même maman.
Je ne suis rien, je n'ai plus rien ou presque ; juste un réfugié comme soixante pour cent de la planète. Un réfugié qui n'en finit pas de grimper, là-haut vers la clairière, l'immense clairière sèche et lumineuse. Dans un monde de soleil... la suite (p.83)