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Alain Lasverne.

Alain Lasverne.

petits pas, obstinations diverses


Le débat public ne fait pas débat, à la CNDP

Publié par alainLasverne sur 30 Juin 2015, 12:10pm

Le débat public ne fait pas débat, à la CNDP

 

Le débat public ne fait pas débat, à la CNDPous donner la parole et la faire entendre ». Admirable profession de foi de la Commission Nationale du Débat Public, institution créé en 1995 et dirigée par C. Leyrit.
Initialement limité aux débats sur projets environnementaux, le cadre d'origine est d'emblée contourné, élargi par son nom même, qui lui donne vocation à agir sur l'ensemble des débats en France. Au cas où ça ne suffirait pas à amplifier son champ d'action, la CNDP s'inscrit dans "le débat demain" comme partie prenante du "débat citoyen mondial" et de "la démocratie participative". On a largement dépassé les projets locaux d'environnement.. Le flou persistant entre une mission "technique" originelle dédiée à un public pour projets spécifiques, et le nom ainsi que le discours actuels sur sa vitrine, est résiduel. Il est aujourd'hui légitime de juger la CNDP comme instance de débat général. C'est la volonté qu'elle met en avant et la direction dans laquelle elle veut s'inscrire. C'est en tant que telle qu'elle doit être analysée.

 

La CNDP n'est pas pas encore à la hauteur de ses ambitions planétaires. Les débats programmés concernent un public thématiquement et géographiquement localisé, comme si elle n'osait assumer le terrain qu'elle revendique pourtant. Exemples.
Réseau Express Grand Lille (2 avril au 22 juillet 2015) - Autoroute A31 bis (Du 15 avril au 13 juillet 2015) - Center Parcs Le Rousset (Du 20 avril au 4 septembre 2015) - Center Parcs Poligny (Du 20 avril au 4 septembre 2015) - Parc éolien en mer de Dieppe-Le Tréport (Du 27 avril au 31 juillet 2015) - Parc éolien en mer des îles d'Yeu et Noirmoutier (Du 2 mai au 7 août 2015)
Les habitants de Lille, ceux qui vivent le long de l'A31, prés d'un Center Park, entre Dieppe et le Tréport ou à sur l'ile Yeu ou de Noirmoutier, peuvent remercier la CNDP d'avoir débattu pour eux sur un problème qui ne touche pas vraiment le cœur des difficultés de tous, n'a pas une envergure nationale ni une dimension politique majeure dans l'évolution sociétale. Bref, la CNDP organise de micro-débats spécifiques.

 

 

Ceci dit, l'organisation prend les choses en main, sans laisser place à quelque hésitation ou contestation mal venue. C'est simple, le débat public avec la CNDP. Vous avez le choix de le suivre ou de vous y plier. Chaque débat commence et s'achève à des dates précises, laissant entre deux et quatre mois pour s'animer, sous l'égide de la CNDP.
En temps et en heure, on vous donne le top-départ. Sachant que le débat ne saurait avoir lieu que quand « la CNDP a été saisie et qu’elle a décidé...d’organiser un débat public ». C'est l'institution citoyenne et nul autre qui choisit puis dit de quoi, comment et quand. C'est sans souci, on vous dit. Il faudra bien sûr une «  commission particulière du débat public...pour organiser le débat, avec à sa tête un président. ». Manquerait plus qu'on fonctionne sans chef, sans autorisation et sans soigneuse préparation de la liberté de parole et de la spontanéité du débat public. C'est un métier.
Chaque débat est aussi un énorme chantier où il ne suffit pas de laisser les gens venir à tel endroit pour parler, réfléchir et décider ensemble. Non, il faut un dossier en béton, pour de telles entreprises. Dossier conçu et réalisé par « le maître d’ouvrage », qui « doit être validé par la CNDP qui définit le calendrier et les modalités d’information et de participation du public ».

 

 

Le débat public réel, le plus proche, le plus commun, en réalité, c'est le débat que les français voient à la TNT. Quelques millions de spectateurs chaque soir. C'est la PME « C » avec de nombreuses déclinaisons, toutes envahies de journalistes, experts, sondeurs et politologues cantonnant le débat à une pensée et des objectifs à droite, voire très à droite. C'est également Ardoin animant Ca vous regarde, sur LCP, fade parodie plus au service des élus, où les citoyens sont figurés par trois ou quatre branchés sur webcam qui ont la parole trente secondes par émission. Invités d'Ardoin : éminences du Sénat et petits députés en mal de visibilité. Les questions du « journaliste » propre sur lui sont, au mieux, consensuelles, au pire du Mireille Dumas en politique. Quasiment aucun élu de gauche n'est autorisé à franchir ce plateau d'auto-promo. Mais sans doute le toujours bien coiffé présentateur considère-t-il le PS comme un organe politique de gauche.
A noter que sur « l'autre face » du débat public, Calvi truste les temps d'antenne, en déclinant ses happy few de la manif pour tous plusieurs fois par jour. Le « débat Calvi », c'est du Lagardère. D'ailleurs le golden boy décline avec gourmandise les « C » dans son press-book en ligne, avec toutes ses marques phares. C'est un plus majeur, en matière de respectabilité, que d'organiser le débat public français, pour une multinationale. Le moins qu'on puisse dire est qu'elle et ses soeurs ne sont pas en pointe dans le domaine de l'éthique ou de l'écologie.


On aurait pu penser que le CNDP aurait déjà mis en demeure le CSA de réintégrer le débat public dans un cadre, un financement et une forme réellement publique.
On aurait pu penser que le CNDP allait inciter fortement les députés à créer une sorte de label « débat public » en médias, avec un minimum de citoyens lambda, des moyens publics et des journalistes peu payés pour écarter systématiquement la Gauche du débat, populariser la vision du monde de droite et servir les multinationales.

 

 

La CNDP a pourtant des ambitions claires, à défaut de favoriser l'émancipation et la citoyenneté réelle.

 

 

Elle veut « Vous donner la parole », ce qui vous évitera de la prendre intempestivement et d'embêter tous ces hommes et femmes politiques et de médias, si désintéressés.
Elle veut cerner « Les projets sur lesquels vous pouvez vous exprimer ». Et peut-être vous couper la viande, si vous êtes édenté. Il y a, naturellement, des projets sur lesquels vous ne pourrez vous étendre verbalement, mais vu que le CNDP n'en fera pas mention, ils n'existeront pas et tous les citoyens seront content dans leur poulailler.
Elle a des missions, aussi, la CNDP.
« Permettre la participation des citoyens ». On aurait pu écrire « favoriser ». Elle a choisi de permettre, ce qui est normalement empêché, voire interdit. Avec les démocrates du CNDP la démocratie semble bizarrement conditionnelle.
Elle est surtout « indépendante », « neutre » et « transparente », la CNDP. Ce sont « des valeurs », précise-t-elle, au cas où il y aurait quelques buses dans l'assistance, capables de confondre les ronds de jambe d'un représentant avec un débat citoyen.

 

 

Les français forment le peuple le plus politique et citoyen de la Terre sans doute, et personne plus qu'eux n'aime l'expression et le débat public. A partir de leurs problèmes et de présentations qui ne soient pas formatées. Ils sont concernés, mobilisés et veulent discuter et orienter les débats réels et communs. On se souvient de cette année d'intenses réflexions et échanges qui a débouché sur plusieurs plus « pics », des manifestations qui ont rassemblé quatre millions de personnes sur la seule journée du 19 octobre. Les français ne sont pas des clients. Ils n'ont pas besoin d'assistants pour comprendre et verbaliser, ni de bornes à leurs propos, ni de remplir un cahier des charges, de poster des petits chefs et des autorisations dans tous les sens pour débattre de leurs problèmes et des solutions qu'ils veulent voir mis en place. Ca s'appelle la démocratie.

 

 

Elle ne semble pas en odeur de sainteté, la démocratie, chez nos représentants confortablement installés dans ces institutions qu'un coup d'aile d'oiseau n'ébranle même pas.
Quand l'opinion publique réclame une pause pour un nécessaire débat, à l'occasion de la construction imposée d'un aéroport ou d'un barrage, là encore les représentants du peuple envoient sur les manifestant la maréchaussée pour en découdre. Résultat, une cinquantaine de blessés autour du projet d'aéroport, un mort pas loin de Sivens, barrage de triste mémoire. Mémoire citoyenne à laquelle aucun élu, mis à part quelques Verts, n'a voulu s'associer, sans parler d'hommage ou d'excuse publiques de la part des responsables aux moments des faits.
Quand une autre débat débat se fait jour dans la population et veut se cristalliser, faire renaître du débat politique et du lien citoyen à l'échelle de chacun, par des occupations symboliques à la Défense ou ailleurs, sous le nom d'Occupy, on maltraite les débatteurs, on les déloge et les disperse avec une méthode et une violence presque para-militaires, grâce à des forces de polices dont l'inflation du nombre et l'armement, de plus en plus lourd, ne font jamais débat, non plus.

 

 

Il serait sans doute temps que la CNDP, ceux qui la dirigent et ceux qui l'ont mise sur les rails, acceptent le réel, se préoccupent d'accomplir leur mission : laisser les français vivre et faire vivre la démocratie.

 

 

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