ean-Luc Mélenchon passait sur ce France 2, ce 23 Février. Plutôt rare, le candidat de la France Insoumise comparé à la présence monomaniaque d'autres candidats. De temps en temps il se faufile entre Fillon-Macron-Jadot-Hamon, omniprésents sur les télés de « service public » ou dans la propagande sommaire des télés privées. On cite son nom régulièrement, mentions le plus souvent négatives. Il aurait dit, il aurait fait. Rien de bien, naturellement, repoussoir commode. Quant à ceux qui sont plus à Gauche, on ne les voit même plus. Les télés et la presse de Marché qui l'imite les ont supprimés. La télé sous François Hollande est devenu une machine à dégrader, démanteler et détruire la Gauche et ses idées, son programme.
France 2 est allé un cran plus loin, hier. A moins que ces façons ne soient insidieusement présentes depuis pas mal de temps.
On en vient au volet économique de l'émission. Aux manettes, François Lenglet. A travaillé pour tout l'arc de la presse au service des marchands et des fortunés. Mention spéciale : il a œuvré pour BFM business. Faudra pas compter sur lui pour dévier du manuel néo-libéral. On le classe « personnalité économique »*. Autant dire un de ces types dont l'image et la conformité servent à annoner la doxa : il n'y a pas d'alternative au pillage en bande des Drahi, Arnaut, Niel, Mulliez et autres Bettencourt. Il s'applique donc à pointer les détails qui ne correspondent pas à sa courte et obstinée grille d'inspection.
Comme s'il était interdit de changer d'air, de régime économique. Clou du numéro Lenglet, rapprocher de fait la Gauche de Le Pen. Reprenant ainsi l'antienne, le vieux commandement de la télé d’État : lancez la rumeur à heure de praïme taïmeuh -, elle fera son chemin de sape contre les rouges et leur idéologie. Il n'est pas communiste, Mélenchon, mais il incarne une idée de la Gauche qui menace l'économie néo-libérale et ses tenants, ses goinfres, ses serviteurs. Il serait plus que temps qu'il rejoigne ceux que la télé du mercenaire Shrameck a enterrés complètement, les NPA, LO, PT et autres anars.
Lenglet ne cherche pas à critiquer de manière endogène, en fouillant et en cherchant les contradictions internes. Ou en le plaçant en miroir avec d'autres programmes qui se disent « de gauche ». Il se cale avant tout dans la ligne profonde de l'émission. Casser du Rouge. Aujourd'hui que les anathèmes chiraquiens sentent la naphtaline, on noie le Rouge dans la sauce brune. Le rouge est extrême, extrême comme terroriste, c'est une évidence indiscutée. Par un évident retournement dont les idéologues de cour actuels ont la recette, on clame, on martèle que rouge = brun. François Lenglet illustre ce onzième commandement en plaçant Jean-Luc Mélenchon devant un double et impossible challenge : justifier une politique économique présentée comme semblable à celle de Le Pen et légitimer une autre politique économique avec les axiomes fondamentaux de l'économie en place
Bénéfice espéré : clouer le bec, ou faire sortir de ses gongs le candidat au couteau entre les dents.
Pour cela l'appliquée personnalité économique ne se prive pas d'employer les vieilles ficelles. On coupe incessamment le candidat, on le tient sous le feu d'un regard hostile, on est copieusement méprisant dans le ton. Bref, on use de tous les trucs pour empêcher Jean-Luc Mélenchon de sortir du carcan néo-libéral et surtout du miroir léniniste qu'on lui impose.
Vient l'heure de l'authentique. L'équipe laisse la place aux invités choisis pour débattre avec Jean-Luc Mélenchon. On lui opposera successivement des figures extrêmes, singulières. Sans doute l'unique commerçante qui a eu des centaines de migrants parqués à deux pas de chez elle – par la faute, l'incapacité, le fascisme rampant des gouvernements Sarkozy et Hollande
Le « baqueux » noir, absolument formaté extrême-droite, qui consent après une héroïque résistance à qualifier le viol du jeune Théo par des collègues, de « problème ». Mais jamais ne reconnaîtra la violence endogène des groupes « matons » lâchés dans les rues, leur sur-armement et surtout l'impunité persistante dans les croissantes violences commises par les représentants de « l'ordre ».
Enfin, la Pécresse, sorte de Morano en plus instruite, qui vient déverser un laïus sans envergure sur des points ciblé, toujours avec cette arrogante gouaille des leaders LR qui mastiquent des formules recuites dont il n'ont absolument rien à faire, François Fillon illustrant à merveille les ressorts de cette politicaille façon Quatrième République.
Une méthode, un fil traverse cette succession de figures caricaturales tant dans les invités que la posture journalistique. On soulève un point tout à fait singulier, tout à fait extrême, éloigné par rapport à la norme, la vision, le plan général que doit travailler un futur président, et on axe là-dessus. C'est la méthode des magazines genre « Détective », de la presse d'extrême-droite qui va chercher le feu de broussailles pour crier à la forêt en flammes. Faire dans l'accidentogène, montrer le doigt sanglant, pour éviter la lune. Insister où ça saigne, et quand ça saigne pas on appuie bien fort pour que ça saigne quand même.
On n'en attendait pas moins d'un Pujadas, déjà tête à claques du regretté Plan B. Salamé, avec ses faux airs de conscience humaniste, met les mains dans le sale boulot avec ardeur.
La Gauche et ses représentants, la pensée alternative a du souci à se faire là où on pouvait penser qu'il y avait encore une mission d'éducation populaire, un service a assurer qu'on appelle encore, en bas, public. Marine le Pen peut commencer à prendre ses airs. Le service public refait les décors en brun à vitesse grand V
Après tout, nos amis qui ruissellent n'ont jamais eu une grande appétence pour le Front Populaire.
* Un classement qui vaut son pesant de cacahuètes. La méthodologie se situe quelque part entre M.E. Leclerc et Lobsang Rampa : « Nous avons adapté notre méthode initialement destinée aux marques commerciales, afin de mesurer l'aura des plus visibles sur les sujets économiques ».
Les résultats sont évidemment d'une grande fiabilité, puisqu'on constate que Lenglet est en tête des « personnalités économiques », mais talonné par Christine Lagarde, à l'évidence adorée des Français.
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MAJ
L'animateur Ruquier et ses deux adjoints recevaient samedi 11 Mars 2017, le dirigeant du mouvement France Insoumise dans l'émission On n'est pas couché sur la chaîne de télévision publique France 2.
L'émission est dévouée à faire de l'audience . Elle est concoctée par la société de production Tout pour l'écran de Catherine Barma, et dans une moindre mesure par Ruq Productions. Ruquier, également animateur, qui ne rechigne pas à l'humour dépoitraillé rôdé par lui sur d'autres chaînes avec des professionnels du zygomatique bien gras, bien à droite, voire à l'extrême-droite d'esprit sinon de carte.
Car il est à droite, Ruquier, par profession. Il officie là où le nerf de la guerre est, le dieu de la droite et sa puissance : l'argent. Lui en gagne beaucoup et ses compères pas mal, à faire ces émissions gribouilles qui maquillent la Démocratie comme une pute. « le salaire des chroniqueurs du talk-show de Laurent Ruquier, diffusé chaque samedi soir sur France 2, ne change pas d‘année en année: 1500 euros par numéro, soit 6000 euros par mois pour Yann Moix et Vanessa Burgraff. Quant à Laurent Ruquier, en tant qu’animateur, producteur et auteur de la séquence humour du début, il perçoit 10.000 euros par numéro. » * Un peu moins payés, certes, Moax, coaché par Grasset (dixit Onfray) et Burgraff, passée par Bloomberg. Mais ils ont donné la garantie d'être mercato-compatibles, ouvert ainsi les portes de l'entregent, socle pour rebondir, obtenir places, publications légitimité et faveurs. Tout en affirmant, peut-être avec sincérité, des convictions, des valeurs, une certaine citoyenneté. Ils pourraient donc se regarder dans la glace, tant que la main droite laisse soigneusement ignorer à la main gauche ce qu'elle traficote en coulisse. Tant que la sociologie ne passe pas par là pour montrer que la position sociale est fortement corrélée avec les dispositions intellectuelles de chacun.
On n'est pas couché, PME de la « visibilité » est en place depuis plus de onze ans. La « visibilité » est la grammaire des passages en télé, comme le profit est la « grammaire » des banques, celle que le candidat à l'hélium, Macron, appliquera comme il s'en vante, pour remettre la France dans le sens du Marché.
Par la volonté de l’État, du ministère de la Culture des masses, influencée, l'ensemble de la télé publique est laissé depuis des décennies à veau-l'eau, pour ne pas dire pire. Aujourd'hui, la main du haut fonctionnaire Shrameck et celle de son cabinet de Conseil Supérieur en Audiovisuel appliquent les « recettes » du privé, structurent la production d’œuvres publiques sous des statuts et des fonctionnement ultra-liberaux, totalement acquis à l'esprit du Marché, comme le sont sans doute la plupart des hommes à des postes de responsabilité dans les chaînes publiques.
On n'est pas couché coûte la bagatelle de 195000€ l'émission. Ses animateurs doivent s'arracher pour faire l'audience. Dramatisation à l'entrée et à la sortie, changements incessants de plan, de sujet, de question. Vite et vite, modèle pub, telle fonce la télé sur la politique. Le débat, la réflexion comme une scène permanente, une foire à tout. On mélange les torchons et les serviettes et tout fait vendre dans la bauge à Ruquier. Mélenchon aujourd'hui, demain une auteur qui viendra relater ses coucheries avec le pouvoir, un homme de médias tout juste sortie de la com pour l'Elysée viendra ses leçons de journaliste...
Nos plus petits dynamiteurs très communs, armés de morgue et de micros, ramènent sans cesse le politique dans les registres du ping-pong verbal, du dérisoire, et de la soumission.
Questions toutes les dix secondes. Mélenchon interrompue au moins deux fois, trois fois a à peine le temps de répondre. Seule compte la vivacité du plan, la tension injectée. On jette en permanence du strass, de la paillette qui retient l’œil du client, gonfle la bouffonnerie de quinzaine commerciale. Mission majeure des propriétaires de l'émission. S'il pouvait enfin péter un câble, le Méluche. Impatience et hostilité sous les regards voilés de la meute Ruquoïde.
Car, in fine, l'intérêt est financier. Mélenchon est un faux moment de cette vérité indépassable de l'émission : l'argent. L'argent généré par l'émission pour ses animateurs et plus loin ceux qu'elle préserve en faisant kermesse avec les enjeux, les oppositions politiques. En creusant en permanence l'absence du Peuple, sa soumission par le vide. Politique transmutée en jeu vidéo, avec permanente quête de l'accident de plateau, à défaut de petites phrases. Politique convertie en part de Marché. « Vous êtes à 11% !», a assené 6 fois le bonimenteur à Mélenchon.
Le public se manifeste derrière Mélenchon. Ruquier réagit aussitôt accusant, à peine rieur, Mélenchon d'avoir amené ses militants. On sent qu'il a, qu'ils ont du mal à se retenir, les animateurs, d'exprimer leur détestation de qui ne joue pas le jeu (de la soumission). D’ailleurs, ils se retiennent peu, les appointés de ces sociétés nées dans la dynamique dérégulatrice qui voulait sortir des régies, de la production publique par la télévision publique. Car il fallait appliquer le dogme nouveau pour enfin faire de l'argent. Il fallait « permettre l'émergence de groupes de communication audiovisuelle français de premier plan, capables de structurer une industrie française puissante des contenus ». Mots de l'ectoplasme Albanel en 2007. Bréviaire marchand lui-même inspiré par un rapport de la créature du Medef, Denis Kessler, celui qui veut à toutes forces détruire les ordonnances de 45, démolir toute résistance à la horde marchande.
On n'est pas couché est vouée à être bankable.
Ce qui n'empêche nullement la télé publique de revendiquer comme mission fondamentale « la charge d’informer, d’éduquer et d’animer le débat démocratique ». Sans doute Ruquier et Barma inviteront-t-ils un jour quelqu'un pour en rire.
*Le Figaro télé - « C à Vous», «TPMP!», «On n’est pas couché»... Les salaires des chroniqueurs dévoilés - 02/01/2017