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Alain Lasverne.

Alain Lasverne.

petits pas, obstinations diverses


L'oreille

Publié par alainLasverne sur 11 Septembre 2014, 11:52am

 

 

L'oreillen ce jour je chômais ordinairement
Une femme est passé à mi-fenêtre
Elle est repassée peut-être demain
Peut-être hier, je sais qu'elle est
Repassée
J'ai aperçu un jour son profil si chaud
Un profil traversé de cheveux bouclés
Bruns et brillant
Juste des cheveux pour souligner l'oreille

 

Ma femme n'allait pas revenir, à ce moment
Si tard, elle ne reviendrait pas tout de suite
Il faisait encore jour, je le sais, je l'ai vu
La femme est passé, et je suis sorti
Il n'y avait personne dans la rue
Dans la rue, il n'y a plus personne
Ils sont partis où il y a du monde
Ma femme ne reviendra pas encore
Ils sont partis là où ce n'est pas démoli
Je reste aujourd'hui, elle reste aussi
Parfois elle sort, parfois je rentre

 

Elle sait, je sais et les immeubles savent
Il n'y a personne que nous, elle et moi, hier,
Demain, je l'ai suivie
Elle n'a rien marché différent, rien tenté différent
Rien dit, rien bougé dans les heures et les fils de l'air

 

Derrière elle, j'étais derrière, elle était là, elle là vraiment
Évidemment elle a crié, ça bougeait beaucoup sous les nuages qui tombaient vers l'est
Il n'y a personne et je suis bon, je suis moi même, si c'est si long d'être moi, parfois
Je n'ai rien fait de plus, ou de moins

 

Elle tombait, je sais qu'elle tombait parce qu'elle tombe
Devant mes yeux très doux
L'oreille dans ma main palpitait, l'oisillon
Sa maîtresse hurlait dans la rue qui ne viendrait jamais voir
Sa main collait sur ce petit bout de chair rouge
J'ai enlevé la main et tenu, tenu jusqu'à
Hier, au moins, peut-être demain je ne tiendrai plus rien

 

Je suis sûr que j'ai dit doucement dans le trou
Au bord du sang qui s'en allait bêtement
Combien cette oreille, son oreille à elle, était belle
dans les lignes de son crâne
Crâne qui n'a rien à faire des absents et des plaques de suie sur les immeubles
L'oreille est parfaite comme un coquillage, comme la mer qui se moque du temps
Elle n'est pas à moi, mais je me permets de vous rappeler combien
Elle ne vaut pas, combien elle ne mesure pas, combien elle ne s'enfonce pas dans le noir
Des souvenirs
Elle flotte, elle marche sur les eaux si les oreilles font ça
Je ne peux pas dire qu'elle est belle, sauf que je la désirais

 

Je voulais encore plus vous rappeler combien vous oubliez
Chaque jour de demain comme d'hier
Combien votre oreille sait ce que vous êtes
Parfaitement.

 

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A
Merci Richard, tu as bien senti là où je suis au moment où j'écris ce texte. Apollon, dieu des poètes...
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M
Très beau texte. J'apprécie beaucoup ce genre de poésie où le poète est dans le monde à l'intérieur de son extérieur et exprime nettement la confusion d'une émotion tenace. Bravo!  Mais Apollon? Il me manque sûrement des références culturelles. Je n'arrive pas à connecter Apollon au poème.
Répondre

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