es choses parfois on les regarde
en oubliant qu'elles nous regardent aussi
choses cruelles elles guettent la fêlure
la brisure les intéresse profondément
ce qui me ramène naturellement
à mon père
dans son lit n'était plus que chose
il me regardait et on sait quand vient ce genre de regard
les yeux clos de la mort ont une vie débordante
il avait beau croiser les mains et faire semblant
je savais que par-delà quel que soit cet au-delà
il me regardait sans faiblesse
cette nouvelle chose là me regardait et la nuit se retirait à grand peine
on ne sait pas grand-chose nous qui sommes dans le contemporain
à fabriquer du doute et le mettre en route pour gagner de la vitesse
on était en froid et même en hiver 98 devant son dernier lieu
je savais qu'il guettait la brisure du vivant en face
le ressentiment obstiné des choses ne devrait pas être
un contemporain ne s’émeut même pas des millions d'objets cassés qui l'implorent
le jour viendra bien un jour et ce jour-là je serai moi
délivré des choses
je me regarderai dans un quelconque miroir
et le miroir ne me tournera pas le dos
ne s'éloignera pas du lit au milieu de la petite chambre
les miroirs prennent sur eux pas aux autres
le poète sait bien tout cela il en fait même des mots
attentifs à toute chose empressés de gonfler de sang leurs lettres
d'ailleurs le poète dit combien devant certaines choses soudaines
désarmé déboussolé les mots en désastre lui viennent bien
du moment qu'il reste à sa place de vivant
tant que les mots recouvrent bien les choses