'ai cru aux hommes politiques, bien sûr, que pouvais-je faire d'autre ? J'ai cru à tous ceux qui se présentaient. J'ai cru en leur vertu, en leur savoir, en leur abnégation. J'ai cru que l'écharpe tricolore dissolvait, puis absolvait tous les défauts des humains ordinaires et que de la chrysalide sortait un homme politique, un être qui ne commettrait plus les fautes de nous tous qui ne représentions que nous-mêmes.
J'ai cru ce qu'on me disait de croire. J'ai cru ce qu'on enveloppait de mots, de valeurs surtout. J'ai cru que De Gaulle, continuateur de la colonisation, était obligé, pour le bien de la France et le bien des indigènes là-bas, par son essence bénéfique de politique. Parce que la Marseillaise et les présentateurs de télévision, parce que les discours au garde-à-vous, parce qu'il faut tant de volonté pour monter à hauteur d'un homme qui domine sur son estrade.
J'ai cru en Chirac. J'ai cru à la nouveauté de son sourire, à ses costumes de tailleur et son ton hardi, son accent si discrètement impératif. J'ai cru qu'il tenait les promesses, les situations, les rênes de l'avenir.
Plus tard, j'ai cru Mitterrand, longtemps. La noblesse du verbe devait forcément soumettre le monde. Longtemps j'ai regardé les gants blancs plutôt que les courbettes. J'ai cru la gauche comment ne pas y croire quand on s'enfonce dans la détresse du monde ?
J'ai cru à tous ceux qui venaient, un instant ou dix ans. Au fond, de quelques bords qu'ils soient, je les ai crus. Ils arrivaient dans leur char, et jamais personne pour me dire que la gloire est éphémère. Ils étaient le paradigme, la richesse et l'ultime valeur, l'existence et moi le néant. Ils étaient la lumière des projecteurs, ils me projetaient dans le bel avenir. A l'un, puis à l'autre je croyais, les yeux bien fermés, les mains jointes sur ma certitude.
Ils étaient plus, plus que moi, ils étaient ces valeurs, ces idéaux, ce dévouement et cette certitude gravés sur la langue de nos maîtres d'école, de nos parents et de tout ce qui avait autorité.
Ils ont vidé tous mes rêves adolescents. Je suis un homme, maintenant, depuis bien longtemps. Je ne sais plus grand-chose, sauf qu'il faudrait un miracle. Nos dieux sont morts et leur univers aussi. Il faudrait changer radicalement les choses comme les gens. Nous défaire des politiques et de tout ce système articulé autour de leurs statues. Ce n'est pas un impératif moral, ou citoyen. C'est un impératif de survie.
Est revenu le temps de la foi. En moi.