es éclats d'os plongent vers le ciel. Ralenti. Fragments blanchâtres d'un crâne fracassé, explosé en pleine lumière. Monte au firmament la coulée de fragments. Ralenti, encore.
Alors vient une note, à l'unisson de la coulée funèbre. Et qui, et quoi, peu importe. Le mouvement lent apaise l'âme, accroche le regard. Je suis ces yeux, je suis ce temps, je suis la vie qui cherche son envol.
Le ralenti accélérera, accourront les notes poussant les éclats qui tournoient dans le ciel assombri de la Préhistoire. Car le temps doit virer au sombre pour traverser notre Histoire. Car le temps emprunte à la nuit tout ce qu'il devine et déchire. Car le temps emprunte au ralenti, s'il veut laisser une trace. Déjà ma mémoire fige les petits témoins en lévitation du fracas originel.
Tu sais, caméra, tu sais mieux que personne ce qui résidait dans ce crâne fracassé. Tout ce qui sinue encore autour des fragments d'os orbitant bientôt dans un ciel presque noir. Il faut bien voir, il faut bien entendre que l'astre solaire, au jour de l'explosion, appelle déjà, fatalement, ceux qui doivent habiter le temps. Ceux qui doivent cesser de tournoyer, éperdus, car quelques milliers d'années à traverser les attendent avant que les artefacts d'animaux ne deviennent. Ou ne deviennent pas.
Quand l'immense valse au noir conclue le si long voyage qui l'a fait éclore, sur sa lancée, dans le vide de l'espace, elle convoque sans aucun fracas, sans aucun cris, sans une goutte de sang, d'immenses vaisseaux qui tournent majestueusement sur la nuit qui les honore.
Ta mémoire ne peut. Ta mémoire n'ose même imaginer, une fois encore, le chemin. Ils viendront à s'arrêter là, dans l'infinie matrice. Alors une autre caméra frappera les trois coups du rêve relancé. De toute éternité, d'autres fragments sont voués à s'éparpiller à leur tour. Ainsi, sans frein, la musique du monde.