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Alain Lasverne.

Alain Lasverne.

petits pas, obstinations diverses


Considérations futiles et de grande mauvaise foi sur la quête du chef-d’œuvre

Publié par alainLasverne sur 17 Juin 2014, 15:27pm

 

e chef-d’œuvre, graal du lecteur comme de l'éditeur, semble s'absenter des temps que nous vivons. A moins que, convoqué pour qualifier des œuvrettes, il n'ait perdu sa grandeur, les échos singuliers et mystérieux qu'il charrie pour maîtriser le pouvoir de l'immortalité. L'époque lui fait-elle encore place, la production de chefs-d’œuvre est-elle influencée par le système éditorial dans lequel nous sommes ?..

 

 

La quête du chef-d’œuvre demeure l'idéal de tous ceux qui œuvrent à produire, diffuser et juger le roman. On ne saurait en douter, sauf à penser qu'un vent de cynisme a emporté toutes espérances et professions de foi marquée du sceau de l'intégrité la plus désintéressée.

 

Il faut bien constater, pourtant, que l'universitaire, le critique, voire l'animateur versé dans la chose littéraire, hésitent à froisser tel ou tel mastodonte, et n'hésitent pas du tout à parer du sceau magique tel opus publié par un petit éditeur encore éclairé à la bougie, tel Gallimard ou Actes Sud.
Et, dans un système où les producteurs les plus armés financièrement, logistiquement et médiatiquement offrent une visibilité maximale à leurs choix éditoriaux, il est difficile de penser que le sauveur attendu, l'auteur aussi singulier que magnifique, ne sera pas influencé par le type d'ouvrage, les thématiques et traitements que valorisent ces dominants, via leurs écuries de petits génies déjà reconnus.

Concrètement, l'aspirant à publication, le porteur de chef-d’œuvre, naviguera autour du néo-Mousso, du néo-Grangé, du néo-Pancole ou du néo-D'Ormesson, voire du néo-Nothomb. L'écrivant de fantastique ou de SF reproduira les auteurs les plus vendus, qui sont les plus lus. Et les critiques pourront pleurer sur l'absence d'originalité de « la rentrée littéraire ». A quelques exceptions près – l'infime part de visibilité des petits et micro-éditeurs, plus les collections « sauvages » de quelques grands – on aura des manuscrits mainstream. A moins que nombre d'auteurs ne soient pas au courant de la production éditoriale de leur temps, ce qui relève de l'improbable.
Les éditeurs déploreront encore demain cette masse de manuscrits sans originalité, mal écrits qui leur font perdre du temps, de l'argent et de l'énergie.

Un écrivant est rarement un surhomme et encore moins un génie capable de jouer des notes tout à fait étrangères à la partition sur laquelle sont déjà posées les clés, les mesures, le tempo et l'instrument qu'on lui propose. On peut penser qu'en contribuant à bâtir des autoroutes sillonnées par d'inoffensives berlines, les hommes du livre attendront le chef-d’œuvre longtemps, voire ne sauront pas le reconnaître, mieux, finiront par affirmer chef-d’œuvre ce qu'ils vendent le plus, tout en continuant à pester, sotto voce, contre une époque qui peine à leur offrir ce qu'ils ne se donnent pas l'ambition de faire éclore

Et les lecteurs de traquer en vain cette littérature qui les avait saisis à l'estomac, en des temps reculés.

 

 

 

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