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Alain Lasverne.

Alain Lasverne.

petits pas, obstinations diverses


Comme une lettre ouverte au PDG de Radio-France, à propos de Là-bas si j'y suis

Publié par alainLasverne sur 31 Juillet 2014, 11:37am

 

 

BSJS est viré. Diktat France-Inter/Radio-France. Stop. Alibi audience. Fadaises com. Stop. Là-bas si j'y suis exécuté. Stop.

 

Pas compliqué d'en finir avec une émission sur la radio publique. Le PDG dit « dégage! » et les CDD foncent aux ressources humaines pour s'asseoir sous le couperet. Le lendemain on leur pose les cartons au pied de la porte, avec vingt ans de gauche radiophonique dedans. Manque pas d'air la direction de nos instruments de service public d'information. Ni de suite dans les idées, d'ailleurs. Elle avait commencé à saboter l'émission il y a plusieurs mois, en lui rabotant une journée.

 

 

Oh bien sûr, il y a eu Mermet, le cas Mermet qui a agité un temps les scrupules de la gauche. Comment faire pour écouter LBSJS sans capter Mermet ? C'était devenu un peu lourd, cette récurrence dans les fuites sur les humeurs dictatoriales du bonhomme. Enfuie l'écoute ravie des débuts, l'onctueux Daniel pesait comme un gâteau industriel sur l'estomac. Certains de ses enfants radios étaient montés au front pour le défendre. Viril mais correct, en gros, le Mermet, ils racontaient. On se grattait la barbe, on s'interrogeait, on a râlé quelques jours, quelques semaines. Puis passé au-dessus, là où ça fait sens, là où cette émission, plus grande que son deus ex machina trouble, nous représente, là où le réel est dépiauté avec un filtre de gauche.

 

 

Oui, l'ennui, M. le Président, ce n'est pas tant la personne controversée de Mermet qui nous peine en ces jours de pluie qui tiennent lieu d'été aujourd'hui, non. Je veux bien que ça vous ai servi de déclencheur, d'alibi, mais pour moi, et sans doute une grande partie des auditeurs, la personne de Mermet n'est pas l'essentiel, malgré l'envie qui vous tient, j'imagine, que les auditeurs de LBSJS soient pareils au fan d'Arthur ou de Nolwenn et pleure uniquement sur le poster éteint du héros, de l'héroïne à micro.

 

 

Là-bas si j'y suis, c'est une vision de la réalité entre poésie et dénonciation, irrévérence et déboulonnage rigolard de tout ce que déteste la gauche et au-delà une large partie de la société française. La violence institutionnelle au service des riches, le corsetage bien-pensant, modèle catho coincé encore en vigueur – si on peut dire – chez la fraction rose qui tient en ce moment les manettes. C'est une balade dans le monde qui ne commence pas forcément aux USA pour finir la célébration à Strasbourg ou Bruxelles. Ce sont des gens qui parlent, souvent. D'ailleurs, ils ont un répondeur ad hoc qui n'est pas là pour faire poser des questions par des enfants de douze ans, mais pour donner son opinion, dire son fait à quelque poseur en costume de faiseur, ou rappeler le prochain café repaire. Car cette émission à agrandi la parole un peu à tous le pays, ce qui n'est pas la moindre de ses qualités.

 

La parole, M. le Président, c'est sans doute ce qui est le plus occulté, coupé, brisé dans notre France fantomatique. La parole des gens de peu, comme dirait le petit Nicolas, aujourd'hui abonné aux prétoires. Celle qui n'a jamais un micro pour plomber les oreilles des autres de propagande ou de publicité. Celle qui vous rémunère, M. le Président, mais que vous ne conviez jamais à venir s'exprimer, créer, blâmer et encore moins ordonner. Cette parole populaire qu'aucun média audio-visuel ne reconnaît plus, n'interroge plus, aujourd'hui, si ce n'est sur le mode condescendant. Et bonne fille, cette parole subit des questions stupides formulées cinq secondes douche comprise, ce qui a le mérite de faire passer aussi ceux qui répondent pour des ânes justes bons à faire la claque, ou brailler leur amour à tous ces étincelants micros qui vous servent pour enfoncer le clou d'une naturelle hiérarchie, d'une inévitable monarchie.

 

 

 

M. le Président, vous et vos confrères vous réclamez pourtant du pluralisme. Lequel serait l'expression de tous les courants de pensée à travers la République, via les moyens d'expression qu'elles s'est donné grâce à notre sueur, notre argent. Lequel pluralisme contient l'exigence de plusieurs éléments s'exprimant. Au vu du monopole radiophonique des marchands de bien au costume ultra-libéral toujours appliqué à servir le Pouvoir, on ne peut que faire son deuil du pluralisme face à cette machine univoque que vous présidez. Je ne parle même pas des radios privées marchandes ou on est dans l'ordre du pilonnage néo-libéral considèrant l'auditeur comme une outre, un portefeuille, mieux un débile mental.

 

Eh bien, nous vous prenons au mot, M. le Président, et vous demandons qu'il soit au moins appliqué a minima, ce pluralisme. Car, mine de rien, sous le soleil ou sous la pluie de juillet, c'est la base du pluralisme qui a été exécutée à France-Inter. Ce pluralisme fondamentalement incarné en deux courants d'idées, gauche et droite. Il n'y a plus, mais plus du tout d'émission avec une sensibilité, une vision du monde, une parole de gauche à France-Inter. Et je dis bien de Gauche.  Il n'y a plus une seule émission radio de grande écoute – autour d'un million de personnes tous types d'écoute confondus se branchaient, participaient à LBSJS – qui soit réellement de gauche. Et comme on cherche vainement les émissions colorées en rouge sur les télévisions, - tout ces robinets à pub et feuilletons stupides et porno-soft, évoluant entre minable et racoleur grâce à nos amis du conseil Supérieur de l'audio-visuel – il n'y a plus du tout, mais vraiment plus, d'émission de gauche sur les antennes de France.

 

 

Un saut qualitatif de la part des penseurs de votre équipe, comme de ceux qui évoluent autour de la classe politique, serait de lier pluralisme et égalité d'antenne. Cependant, sans attendre de miracle, il est nécessaire de rétablir un minimum minimorum de ce même pluralisme en relançant Là-bas si j'y suis.
Cette situation de monopole des idées par une vision droitière, souvent la plus mercantile et rétrograde, ne saurait s'exercer sans le moindre contrepoint. Car, au stade de défaite de la pensée critique où nous sommes rendus, c'est juste une toute petite émission que nous réclamons, un bémol dans la bauge, vous l'aurez remarqué, pour continuer sans aigreur à vous salarier et à financer toutes ces émissions qui servent à faire de nous des consommateurs dociles, voire volontaires. 


Remettez à l'antenne Là-bas si j'y suis, c'est une exigence pluraliste légitime autant que pressante, Monsieur le Président de Radio-France. 

 

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