petits pas, obstinations diverses
ssassinat pour raison revendiquée de vengeance religieuse. Quelques membres bien connus et visiteurs de Charlie-Hebdo trouvent la mort, le 7 Janvier 2015. Se lève aussitôt ou presque une vague sur les réseaux sociaux, Facebook et Twitter notamment, sous la forme identitaire « Je suis Charlie ».
Ce qui en soi ne veut pas dire grand-chose prend une forme identitaire qui se transforme en très grande marche un peu partout dans le pays.
Cette marche semble donc être un ensemble vide d'expression politique qui a fait le plein.
L'expression concrétisée de l'échange façon Facebook. On partage en se rassemblant un ensemble vague et consensuel. La relation néo-libérale aux choses, aux gens, à la polis marque son triomphe, sa pénétration des esprits. Le politique comme visibilité et degré zéro de la lucidité politique, au sens de discerner quel politicien, quel parti, quelle idéologie précise peut représenter ce qu'on veut, ce qu'on ne veut pas surtout, en l’occurrence.
Mais la nature ayant horreur du vide, c'est bien connu, peut-on inverser la charge et trouver du vivant dans le vide ?
Ainsi le rassemblement, au-delà d'un simple flash-mob, serait un rassemblement raisonné. Ce qui ne manque pas de sens, même les poses collectives ayant au fond une intention. Derrière la peur, le refus de la violence, agrégations limbique primitives, il faudrait voir un sens caché, une volonté politique réelle. Quelque message cohérent qui serait à côté, corrélatif, voire confondu à cette émotion vague qui semble animer tous les marcheurs. En ce sens, la volonté citoyenne ne serait pas distincte de l'émotion qui meut les nerfs et les muscles.
C'est un peu comme si on revenait à Rousseau et sa République originelle. Se mettrait en branle le Souverain, la volonté commune, comme grand tout vague qu'on anime, exerce par la simple adhésion. Mais quel grand saut qui évite les bannières différentes, les intentions diverses, les buts divergents.
Entre rassemblement hédoniste, narcissique de volontés cherchant une communauté de présence, vide de sens réel filtré et exposé par la raison, et retour sous-jacent à une politique d'avant les politiques, quelque pat se tient le rassemblement. Les certitudes d'hier sur la forme superficielle et largement publicitaire, au fondements sapés par la présence commune de défenseurs de liberté et d'exploiteurs de cette même liberté, peut-être doivent vaciller. Les partisans de structures affirmées fédérant des personnes sur des bases claires, il est vrai, ont vieilli et la forme parti et même syndicale semble remise en cause, si l'on compte ceux qui s'en vont de ces structures. Le contenu de la politique ne regarde plus, ne satisfait plus les besoins prioritaires - nourriture, toit, travail – les politiques sont occupés à leur carrière, leurs finances et leur communication. L'identité citoyenne a divorcé de la représentation actuelle. Nombre de messages sur la Toile l'exprimait clairement en demandant au politiques de les « lâcher », au moins pour cette manifestation.
L'ombre d'Occupy planerait donc sur ces millions de gens qui voudrait tous être citoyen, parler enfin à leur tour. Quelques mots simples, préliminaire avant le retour du Peuple aux affaires politiques. A moins que cette foule solidaire ne soit qu'une gigantesque auto-persuasion, une affirmation d'existence par présence, tout à fait naïve.
J'espère que les jours à venir feront émerger cette volonté de retour à une scène politique rousseauiste où l'intention précéderait une réalisation politique nouvelle où chacun pourrait enfin dire, penser, planifier son devenir à égalité avec tous, dans la liberté de la création et la fraternité commune.
Sous quelle forme et comment seraient supprimés les obstacles, les exploiteurs - légions à occuper les plateaux comme champ de bataille boueux d'une rhétorique flétrie – tant médiocrates que politiciens ?
C'est aux Charlie de l'écrire.