ourquoi une ignorance si flagrante, si partagée dans les milieux dirigeants industriels et politiques où fonctionne Combes, du bien commun, quand on n'est pas frontalement opposé à celui-ci ?
La loi, tout d'abord. Ressort cardinal que la loi du profit, pour le capital. Elle oblige à l'exploitation forcenée de ce qui peut l'être, le salarié, quand le reste – immobilier, machines, transport... – est défini et payé à un coût incompressible dès l'origine. Le capital n'a de force que parasite. S'il ne trouve pas de marionnette à faire agir, il dépérit. Son rejet est toujours patent parmi ses victimes, aussi vaut-il mieux qu'il multiplie les emprises, les investissements, diluant ainsi les rejets, accroissant les profits, multipliant sa puissance. Combes est un acteur du capital, comme tous les patrons de multinationales. En permanence sous infusion et stimulation financière des marchés, il est en place et agit non pas pour produire mais d'abord pour faire grossir le capital. Les opérations de fusion, les rachats d'actions par les entreprises, les abandons de secteurs profitables laissent le salariat exsangue et contrarie la production – suppression de ressources, crédits de recherches, lignes de produits – mais elles augmentent la profitabilité, toujours.
Le deuxième vecteur social du comportement de Combes réside dans l'économie circulaire de pensée qui le motive, cadre son action. Là où un homme normal est choqué par le gain de sommes pareilles, là où personne ou n'oserait prendre une telle montagne d'argent sauf si elle lui advenait par chance, hasard, un Combes s'en félicite et s’apprête à aller empocher encore plus ailleurs. Là où on s'indigne partout de voir payer un tel prix le sang de salariés à terre par dizaines de milliers, Combes revendique ce salaire de l'amputation des forces de vives de son entreprise.
Et pourquoi pas ? Il est le meilleur dans sa branche, les salaires qu'il perçoit depuis le début de sa carrière pour commander, en clair imposer, écarter et sanctionner – réalité occultée par les vocables Séguelien comme « motiver » - le prouvent déjà. Mieux, c'est l’État, incarnation de l'intérêt général qui lui a creusé sa place pendant huit ans, à l'aube de sa razzia.
Il sortait d'écoles très efficaces – Polytechnique, ENST, Université Dauphine, CNAM - pour formater de jeunes leaders dont on a méthodiquement transformé l'empathie et son corollaire social la solidarité en zone morte.
Il n'a cessé de passer de direction en direction, légitimant aux yeux de son microcosme comme aux siens sa qualité, sa nécessité, la valeur essentielle de son imposition au monde de l'entreprise, de son emprise sur le monde. Valeur practico-symbolique incalculable, sauf à l'approcher par des sommes énormes.
Onirique ? Égocentrique ?
En 2014, Michel Combes obtient le Prix de la meilleure opération de financement de l’année 2013. Prix décerné par le Club des Trente. Trente anciens dirigeants des plus grandes entreprises et acteurs financiers français, multinationaux. Club volontiers partageur qui « invite régulièrement différentes personnalités du monde économique, financier, industriel ou politique français, ou étranger pour venir apporter leur témoignage. Ces dîners sont strictement confidentiels ». Entre soi traversant l'entière galaxie du pouvoir, cependant. Comme le fait le Siècle et tant d'autres chapelles de la « pensée unique », selon la définition d'un d'un ancien président aimant aussi à préciser que les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent.
Le Club des Trente ne manquera donc pas de soutiens symboliques et matériels. Le groupe d’audit Mazars et le cabinet d’audit et de conseil PricewaterhouseCoopers, ainsi que les cabinets d’avocats Linklaters et Brandford Griffith ou le quotidien Les Echos, l’hebdo Option Finance.
Cet échantillon représentatif du pouvoir, de ses hommes et de son système a planté Michel Combes encore une fois au sommet
Pour PricewaterhouseCoopers, il n'y avait pas photo, « La levée de capitaux propres a permis à Alcatel-Lucent d’une part de renforcer sa structure financière, de réduire son endettement et d’améliorer ses ratios de crédit ; d’autre part de donner plus de temps pour réaliser les cessions d’actifs dans de meilleures conditions.
Le renforcement des fonds propres du Groupe associé à une très belle performance boursière de +225% sur l’année 2013 ont permis à Alcatel-Lucent de réintégrer le CAC 40 en fin d’année. ».
LCI a popularisé l'événement, ainsi que Les Echos. 20000 salariés sont restés à terre pour lancer la levée de fonds.
D'ailleurs, à cette cérémonie toute à sa gloire que fut la remise du prix Club des Trente 2014, après avoir reçu le micro des mains de Denis Kessler, faucon du Medef, l'ami, l'alter ego, le directeur financier de Combes ne déclarait-il pas « ce plan de refocalisation n'aurait pas été possible s'il n'avait pas été adoubé par l'ensemble des employés, des clients et, à terme, des marchés financiers ». Amen.