uarante-deux coquillages posés sur un plateau, devant moi. Sur un plateau balayé par les vents, comme on dirait les vents rugissants qui sont aussi quarante, et même quarantièmes. Les coquillages aiment l'eau, surtout de mer, et pourtant ils transportent du vent. Dans une oreille curieuse, il le laisse s'en aller à son rythme, plutôt doux, plutôt lent, il ne s'agit pas de casser les oreilles des enfants qui écoutent, même s'ils sont grands,
Non, je n'ai pas oublié que ce vent-là fait un drôle de bruit. Un bruit maritime, même. Comment voulez-vous qu'un coquillage laisse filer un vent qui ferait, je ne sais pas moi, le bruit du vent sur une décharge municipale... ? C'est que mes quarante et quelques coquillages restent fidèles à leur histoire, qu'ils n'ont pas inventé et encore moins volé à quelque autre population plus soumise, plus statique. Je pense aux coraux, qu'on nous sert jusqu'à plus soif en tableaux idylliques, icônes de cette nature que nous n'aurons bientôt même plus le droit d'effleurer du bout des yeux.
Mes quarante-deux coquillages, d'ailleurs, je les regarde morts et, contrairement au Duc de Guise, ils sont plus petits morts que vivants. Ils ont quand même gagné quelque chose, la mélancolie des choses mortes, comme si leur travail de conserver la mémoire de la mer, de penser à toutes ces eaux qui les ont traversés, tous ces parfums qu'ils ont goûté, tous ces vents cachés dans les courants marins, leur faisaient une aura.
Moi, les auras, ça me plaît. J'en vois partout, je crois que tous les vivants en ont une, et même les coquillages morts. Il me faut quand même avouer que le vent me souffle un peu dans la tête. Avec ou sans coquillage.