ers quoi court le poète, quelles images l'impressionnent, tracent sur sa plaque sensible des figures qui lui restent, comme un trésor tant de fois utilisé ? Car viennent spontanément à son esprit, la rose, l'herbe, le ciel et ses nuages, la lumière...
Voici venir le temps d'autres épiphanies, d'autres singularités, après les beautés usées et l'abstraction solipsiste de mots tournant sur eux-mêmes dans de nébuleuses valses.
Tout autour de lui le monde pousse, déplace, dissout les frontières connues, pour le bonheur possible de l'écrit. Les temps changent et changent le poète. Alors, délaissant les lumières fanées et les jeux labyrinthiques, la poésie peut s'ouvrir, il me semble, au chiendent, au lierre, aux orties. Et même aux déchets, à l'ordure. Sans prendre de gants.
On dit qu'Antoine Volodine décrit la déchéance physique et mentale qu'a générée la fin de l'URSS, la dispersion fatale d'un régime communiste mortifère. On dit qu'il conte la résistance sans espoir de militants déçus d'un idéal déchu.
On peut regarder, ausculter l'écume en ignorant les grands fonds, à condition de ne surtout pas lire les textes dont on parle.
La langue de l'après-capitalisme s'imaginait déjà il y a presque cent ans. La porte demeure ouverte. Tiens ta plume droite, courbe l'aile dans le vent. Surtout ne courbe pas la tête. Les dimensions à délivrer n'espèrent que ton obstinée truelle.
Ils ont pris l'écume, la dernière sueur, la tremblante vanité d'un homme à la fin. Ils ont recouvert l'écrivain découvreur, ils ont occulté son trésor inédit. Vous pourrez toujours vous recueillir devant sa pierre tombale, au cimetière Médicis, si vous n'avez pas mieux à faire.