rûlé Ville et Associés, est une société confortable. Elle devrait générer, après sa fusion avec PRS, société US de marketing, autour de 150 millions d'€ de C.A. en fournissant des études sur la consommation et le marketing, principalement. D'ailleurs, la grande majorité des entreprises de sondage ne possèdent pas de « département opinion » et produisent uniquement de l'étude de marché ou de marketing.
Les partenaires financiers nécessaire à la croissance de BVA « à l'international » n’arrêtent pas de changer, comme ses directeurs.
Elle était adossée à un fond d'investissement,Montefiore Investment, après avoir été, un temps, partenaire d'un Rothschild. En 2017, elle était prête à se livrer à un fond de placement dirigé par un certain Raby, vice-président de la société Naxicap, basée à Paris, et à la direction de Natixis et Mirovar. Même si les dirigeants actuels de BVA, Gérard Lopez (président) et Pascal Gaudin (directeur général) conservent 49% du capital, la croissance est obtenue par ce capital qu'ils séduisent par leurs études de marché.
On connaît BVA par les sondages politiques, mais comme tous les instituts (vieille appellation datant de l'époque où le sondage n'était pas un business au cœur du marketing) il fait son bénéfice à 90% avec du sondage économique, même si l’Élysée a payé plusieurs millions d’euros de fonds publics pour des sondages, imités par diverses Régions et Communes, hier et aujourd'hui...
Le sondage qui nous occupe date de décembre 2018, c'est un sondage économique dont le commanditaire n’apparaît pas. Sans doute la fédération bancaire française.
Le sondage est fait à partir d'un échantillon. La fiabilité de l'échantillon est établie d'abord s'il est représentatif de la population-mère, en l’occurrence l'ensemble des français en capacité d'avoir un compte en banque.
L'échantillon, ce sont les sondés. Pour ce genre de sondage, il doit représenter la population française en âge d'avoir un compte en banque, dans le cas d'un sondage qui veut représenter toute la population. Comme variables sont retenues, en général, la Catégorie Socio-professionnelle, l'Age et le Sexe. Tant d'ouvriers, tant de cadres, tant de professions intermédiaires, tant d'hommes, de femmes, tant de personnes de tel âge.
Cet échantillon sera donc représentatif s'il comporte un même pourcentage de CSP, d'hommes, de femmes et d'ages que la population réelle dont il prétend exprimer l'opinion.
Donc, problème d'échantillon représentatif, déjà, dans ce sondage, apparemment. Une petite image valant un long discours macronien, j'en mettrai donc deux.
BVA mélange les "cadres" et les "chefs d'entreprise", que l'INSEE prend soin de distinguer, puisque d'un côté on a le personnel d'exécution et de l'autre la direction. BVA sur-représente les "Professions intermédiaires" en doublant la population de sondés par rapport aux chiffres de l'INSEE. Enfin BVA mélange les "Actifs" et les "Inactifs" quand l'INSEE sépare les deux parce que la réalités sous-jacente implique des revenus très différents. Les "inactifs ayant déjà travaillé" sont sans doute souvent anciens salariés, et les "inactifs n'ayant jamais travaillés" sont les femmes au foyer, les handicapés - toutes personnes a faible, voire très faible revenus - ou des rentiers/ères. Déjà l'INSEE amalgame des personnes en situations sans doute très différentes, mais BVA en rajoute largement, comme si ces gens n'avaient pas des rapports très différents avec leurs banques. Enfin, BVA a fait disparaître purement et simplement la catégorie des "employés" qu'elle a dû amalgamer avec les "professions intermédaires", alors que les employés par exemple de service, corvéable et jetables, n'ont pas le même rapport du tout que les fonctionnaires de catégorie B, type instituteurs qui font partie des "professions intermédiaires".
Le panel retenu par BVA n'est pas juste. Il n'est pas non plus totalement différent des statistiques INSEE - la référence pour les sondeurs, sur laquelle ils doivent construire leur groupes de sondés, s'ils veulent que leur sondages soient considérés justes. Il est biaisé, c'est encore pire, car il a les apparence de la vérité et donc s'introduit plus facilement dans les esprits.
Venons-en aux questions.
Q. 1 : « Diriez-vous que l'image que vous avez des banques est... »
Q. 3. « Diriez-vous que l'image que vous avez de VOTRE banque est.. ».
Les choix possibles s'étalent entre « Très bon » « bon » et « correct ». On suppose, mais ce n'est explicité dans le sondage, que la question est la même pour les autres banques. Pas de choix négatif possible, apparemment.
Le score est sans appel : 82% des gens sont contents de leur banque. Non, très contents. Je ne vois guère que l'Abbé Pierre pour atteindre une telle adulation. Bonus, BVA précise que les « cibles » les plus attachées à leur banque sont les « 65 ans et + (88%) », les « Habitants du Nord-Est (87%) »et les « Cadres supérieurs et chefs d’entreprise qui pensent que l'image de leur banque est « très bonne », ou « bonne », ou « correcte », en tous cas à (93%).
Quant à la Q.2, elle a disparu.
Le sondage s'intéresse ensuite au conseiller. On passe donc de l'organisme général au plus basique de ses employés. Sans transition qui aurait pu porter sur l'image de la banque dans l'économie, ou l'image de la banque dans des relations d'emprunt, voire l'image de la banque dans la politique, l'image de la banque par rapport aux politiques...Non, le conseiller c'est tout près, c'est tout proche, c'est très humain. Un contact de personne à personne. Le susceptible rapport d'argent est occulté, engloutie dans la relation de personne à personne. Votre opérateur téléphonie, ou votre fournisseur d'énergie vous demandent exactement la même chose, vous avez remarqué. Notez votre conseiller de 1 à 5.
Q.4 « Diriez-vous que vous êtes satisfait de votre conseiller clientèle dans votre banque principale ? » 73% des français sont satisfaits, un score quasiment soviétique pour que BVA puisse affirmer la main sur le cœur que les français aiment les conseillers de leurs banques, et les banques de leurs conseillers préférés.
Q. 5. « A propos de la relation avec votre conseiller, c’est-à-dire la personne de votre agence qui gère vos comptes, diriez-vous... »
Il faut déduire soi-même l'intitulé exact de chaque sous-question. Ce qui évite de trouver quelque biais possible, et tout à fait fortuit, dans la formulation.
Il semble donc que BVA ait demandé aux « cibles » du panel, comme elle désigne les interviewés :
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« estimez-vous que votre conseiller est facile à joindre ? »
-
« estimez-vous que votre conseiller vous contacte régulièrement ? »
-
« estimez-vous que votre conseiller est compétent ? »
-
« estimez-vous que votre conseiller répond à vos questions ?»
Plutôt que l'image que vous donnez de la banque, il semblerait que nous obtenions là l'image que la banque veut donner d'elle-même. Une entreprise humaine, qui vous reçoit humainement et vous écoute, vous conseille, loin des eaux glacées du calcul égoïste, loin des agios et des fermetures de comptes, des découverts non-autorisés et des refus de prêts. Et les français le comprennent, qui plébiscitent le conseiller, avec des scores oscillant entre 62 et 79%.
Une question ne porte pas sur le conseiller. Elle est pourtant dans la partie consacrée au conseiller. Elle reste entièrement à déduire par le lecteur, puisque BVA ne mentionne que le résultat : « 62%des Français sont satisfaits de l’adéquation des produits proposés avec leurs besoin ». Quels produits, quels besoins ? On vous conseille aimablement de ne pas couper les cheveux en quatre.
Incroyable bémol dans ce sondage estival ! « 37% des Français seulement estiment que leur conseiller les contacte régulièrement ». Naturellement, que tout un chacun voudrait que son conseiller l'appelle, pour prendre des nouvelles, boire un pastis à l'occasion. C'est dommage que dans une entreprise aussi humaine que votre banque, le conseiller ne prenne pas assez le temps de vous appeler.
La question suivante n'est pas formulée. Parenthèse, je le précise parce que le type de question, et sa formulation induisent, trop souvent, les réponses, quel que soit le sondage. De toute façon, quelle qu'ait été la question de BVA, les français sont satisfaits. De « la qualité de gestion et de suivi des comptes par leur banque » (83%), de « la capacité de leur banque à aller au-devant de leurs besoins » (58%), bémol qui ne brouille pas l'admirable tableau d'ensemble composant le portrait de ce héros au regard si doux, mon banquier.
Le déroulé du sondage reprend ensuite l'image DES banques.
On apprend, avec un poil d'incrédulité, que « 58% des Français estiment que les banques sont un partenaire à chaque étape de leur vie ». Il n'est pas précisé le score obtenu auprès des inactifs au chômage, auprès de ceux qui ont du mal à rembourser leurs emprunts, des femmes inactives qui viennent de divorcer, et autres casseurs d'ambiance.
La synthèse finale est d'une sobriété exemplaire, se contentant de répéter que « 66% des français ont une bonne image DES banques » et que « 82% ont une bonne image de LEUR banque ».
Pour les dubitatifs pathologiques, la synthèse apporte une précision que je n'ai pas retrouvée dans les questions précédentes : (les français sondés) ont « confiance en la solidité [des banques, sans doute, le rédacteur. débordé par son propre enthousiasme a oublié de le préciser] pour faire face aux crises »
A l'issue de cette édifiante lecture, les privilèges et le comportement des banques continue à défier le sens commun, pour qui ne vit pas de sondages.
Parenthèse, pour commencer pour creuser autour de ce sondage perché. LE conseiller de MA banque n'est jamais le même...
Les pratiques des banques, plus généralement, ne reflètent ni de près ni de loin l'image « sociale » que BVA, avec une poignée sondés, des questions bien travaillées à sens unique et une bonne dose de redressement , sans doute, leur a concocté.
- Les banques ont le privilège immense de se faire du profit en créant sans cesse la monnaie. C'est une noble responsabilité, mais à leurs yeux surtout une manne permanente.
- Privilège corrélatif de leur obésité due à trop de profit pendant trop longtemps, elles sont devenue très grosses et leur chute entraînerait des désagréments majeurs pour tout le monde. Donc, même en cas de faillite on les recapitalise, à coups de milliers de milliards d'euros.
- 3,6 millions de consommateurs se trouvaient dans une situation de fragilité financière fin 2017. Ils ont subi et continuent d’endurer chaque mois une cascade de frais prélevés sur leurs comptes bancaires déjà dans le rouge, aggravant leur situation. Un foyer sur cinq, au sein de ces consommateurs en difficulté, était prélevé de plus de 500 € par an.
Sans doute n'y en avait-il aucun parmi les sondés de BVA.
- Les fameux conseillers sont peut-être moins adorés que ne le prétend le sondage BVA. C'est l'Humanité qui affirme, en octobre 2017, que « Plus de 88 % des chargés de clientèle estiment que ces ponctions [frais bancaires] suscitent des incivilités et de la violence verbale. Une situation d’autant plus problématique que les conseilleurs, qui géraient autrefois 500 à 800 clients, s’occupent désormais de 1500 à 3000 personnes. » Par chance, BVA n'a sondé aucun mal élevé.
OXFAM, en 2015, pointe des problèmes plus structurels, liés au comportement, parfaitement (a)social, des banques dans le monde entier.
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les vingt plus grandes banques européennes ont placé 100 milliards de bénéfice en paradis fiscaux. Elles n'en ont déclaré que 25.
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en 2009 les États, suite à la crise des subprimes, ont provisionné 8400 milliards pour les banques. Aujourd'hui, il est de notoriété publique que nous sommes à la veille d'une nouvelle crise boursière incomparablement plus dévastatrice, car les mêmes causes produisent les mêmes effets. Peu difficile d'imaginer ce que les banques ont fait de ces sommes astronomiques qu'on a soustrait à l'argent public pour elles. Et ce qu'elles feront des sommes à venir. Quant à nous, on se demande si on a un avenir.
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La « taxe Robin des bois », 0,005 pour cent sur les transactions financières pourraient générer près de 100 milliards d'euros qui seraient utilement affectés aux plus démunis et à la maîtrise du changement climatique. Les banques la refusent depuis des années.
Pour ceux qui souhaiteraient avoir quelques précisions, voire une évaluation officielle sur les méthodes de ce sondage halluciné, il existe une Commission des Sondages. Malheureusement, elle ne s'occupe pas des sondages relevant de l'économique. Pas le temps. Surbookée, la présidente. Elle cumule plusieurs casquettes, à commencer par celle de haut(e) fonctionnaire au Conseil d’État.
L'Observatoire des sondages note que depuis sa création en 1977, la Commission des Sondages n'a pas infligé « une seule amende, pas un seul contentieux [;] quelques mises au point sans conséquences et un global satisfecit pour les sondages, leurs points de vue toujours approuvés sur les secrets de fabrication etc. Et une totale opacité sur un fonctionnement discret et épisodique. ». C'est sans doute sans aucun rapport avec le sport préféré des haut(e)s fonctionnaires du Conseil d'Etat: aller faire de l'argent dans le privé en livrant leur carnet d'adresses, leurs connaissances des failles de l’État, pour revenir bien lestés en euros, reprendre leur place dans l'administration, qu'on leur a gardé au chaud, cinq, dix, vingt ans durant. A ce sujet, on lira Les intouchables d’État, de Vincent Jauvert.
Les sondages sont payants, vous vous en doutiez, de quelques milliers à plusieurs millions d'euros. Le marché des sondages en France, c'est 2 milliards d’euros. Le secteur de la grande consommation représente à lui seul 43% des sondages. Il est important pour un institut de sondage de satisfaire, mieux, fidéliser le client. Pour cela, il suffit, en gros, que les sondés disent ce que le client a envie d'entendre, même s'ils n'ont pas l'impression ni l'envie de le dire. Sondeur, c'est un métier.
Cette analyse quelque peu hargneuse ne ternira pas, j'en suis certain, le ciel d'azur ou navigue la Directrice générale de la Fédération bancaire française : " Ces chiffres [du sondage] confirment la bonne image que les Français ont de leur banque et de leur conseiller. La banque est un service de proximité auquel les Français sont attachés et dont ils reconnaissent la pertinence. Ils viennent récompenser le travail quotidien mené par la banque et sont un encouragement pour les 366 200 banquiers et banquières ».