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petits pas, obstinations diverses

Au plein gré de mon insu

Au plein gré de mon insu

 

 

Au plein gré de mon insuuel auteur ne cherche pas l'écriture automatique ?...Sang noir qui coule de sa vie au papier sans rupture, sans changement, fatalement. Langage branché en direct sur l'inconscient, aussi proche, semblable qu'une vis d'un écrou. Bien sûr, les surréalistes. Mais chaque époque à cherché la perfusion totale, l'accès direct à la création.
Petits bémols, il faut être capable de tout déconnecter, ou prendre quelques substances, voire d'accepter une transe qui disjonctera la conscience. Fatiguant, voire dangereux. Au quotidien, on bricole, on tend l'oreille, on capte les fuites. Le Fukushima personnel de chacun fuit en journée, en plus de ses vapeurs nocturnes. L'écrivain, c'est l'homme sur la rive avec de grands filets tressés dans le langage. Il scrute, il guette et, avec un peu de chance il rattrape ce qui s'échappe, sans colmater les fuites. Fragments sensibles, sensations innommées, fragments de vie psychique.

 

 

 

Deuxième temps, aussi proche du premier que le big-bang l'est de l'expansion. L’écrivain saisit les fragments de vie et leur colle des mots dessus, illico. Les fragments prennent la forme des mots collés, comme les monuments recouverts par Cristo. Lesquels n'ont plus la forme du monument originel, mais celle du drap de Cristo. C'est à ça qu'on le reconnaît, Cristo. Son packaging monumental.
Deux conséquences à cette opération de socialisation langagière. Certains habillent leurs proies de quelques mots choisis. Ils respectent l'informe, ou du moins l'idée qu'ils s'en forment. D'autres fabriquent de complexes déguisements. Ils usent une quantité de fragments , quitte à glisser dedans du matériel sorti de leur territoire neuronal conscient, du matériel propre, net, déjà apprivoisé. Peut importe, ce sont les bâtisseurs de Babel. Ils empilent les fanfreluches, rajoutent des architectures élaborées. Toujours les mêmes bouts de chair psychique tout au fond, mais ils en font des romans-fleuves, des sagas, ou des récits historiques.

 

 

 

Ensuite, ou en même temps, à moins que ce ne soit avant, se pose la question de la poule et de l’œuf.
Puisque les bouts sortis de l’œuf sont tout de suite captés par les filets de mots, et que même dans les rêves ils nous apparaissent en mots et en images-mots, comment être sûr qu'ils sont toujours sous leurs habits ? Peut-être sont-ils partis, ces bouts de vie informes juste capables de nous affoler les tripes. Il resterait juste les mots, ou pas. Les mots qui s'amusent avec eux-mêmes. Tu me vois, tu me vois pas. Peut-être le bout de vie est bouffé par les mots dès qu'ils lui tombent dessus. Peut-être qu'il n'y a jamais eu de vie brute, de sensation primale, d'ineffable remontée. Le langage serait seul. L'inconscient serait juste une structure encore plus profonde du langage, une espèce de cave grouillante de mots sauvages. L'écriture automatique viendrait piocher là.

 

 

 

Si le langage est originel, alors la perception s'élabore en mots. A peine une chose, un être, un événement pénètre-t-il le champ de notre conscience qu'il est transformé en mots. Sa reconnaissance est conditionnée par cette transmutation des signaux émis par les sens.
Nos perceptions seraient ainsi des mots, littéralement, pour être acceptées, intégrées par les neurones, le système cervical tout entier, accéder au stock « brut ». Des images-mots, plus précisément.
Les images ne sont pas autre chose que des mots, finalement. Elle ont besoin des mots pour exister. L'impossibilité de les dire, les reconnaître immédiatement, leur donner le passeport, la définition par les mots, les rendrait quasiment invisibles. Même l'impulsion la plus hasardeuse, la plus spontanée que nous recevons ou émettons n'est rien si elle n'est pas traduisible en mots. Une sensation, une image indescriptible relève de l'ineffable, donc de la mystique la plus subjective, la plus autiste qui soit.

 

 

L'écriture automatique n'existe pas. C'est juste un mirage, une illusion rassurant notre volonté d'atteindre nos limites. Comme le signifié ne pourra jamais revenir vers le signifiant, le mot vers la chose qui pourtant n'existe pas sans lui.
Cette illusion commode signe notre quête de la perfection, nous qui n'en savons que l'espérance. Nous parlons de texte abouti, plus ou moins équivalent à parfait. Mais pour aboutir à quoi ? A la fin.
La mort est un fil rouge de toutes les cultures, a priori. Et pourtant un texte abouti représente la plus haute idée de la vie littéraire, culturelle, de la vie tout court d'un auteur.
Au sein des mots, le commencement comme la fin. Être écrivain, c'est peut-être relier ses commencements avec sa fin, sans oublier que la phrase d'une vie s'inscrit dans le livre de l'humanité.

 

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