'homme regardait par la fenêtre, revenait au centre du salon puis repartait vers la fenêtre. Il devait être deux heures du matin. L'air avait pris cette consistance figée qui signe la nuit profonde, irrémédiable, depuis le commencement du monde.
Il revint cette fois encore au centre et effleura d'une main le gros poste de télé grisâtre qui trônait là. Il en fit le tour, semblant jauger la puissance et les possibles réactions de l'engin. Après s'être frotté le front et gratté le poil gris, épais, qui lui couvrait le crâne, il se pencha pour scruter un moment son reflet fantomatique sur l'écran éteint. Il attrapa la télécommande échouée sur le canapé en cuir planté dans un angle du salon vieillot et la braqua quelques secondes vers le poste, sans appuyer, puis se décida en secouant la tête, rechignant à ce qu'il venait pourtant d'accomplir.
L'écran s'illumina, se couvrit d'une neige vibrante. Nulle image n'apparut. L'homme attendait, parfaitement immobile, à trois mètres de l'appareil. Une minute passa, puis deux. Une sorte de grognement se fit entendre et cessa aussitôt. L'homme recula d'un pas et braqua la télécommande. L'écran redevint noir. Il marcha jusqu'au canapé et se laissa tomber. Assis, la tête penchée, il agitait mollement la télécommande dans le silence revenu.
Une voiture passa dans la rue. Il se releva et se rapprocha de nouveau du poste, l'observa quelques secondes avant d'appuyer sur la télécommande d'un geste sec. Vint la neige, suivie du grognement, quelques secondes plus tard. Il ne recula pas, attendit le corps tendu. Un bruit de fond parfaitement régulier, hypnotique, remplaça le grognement. La télécommande tomba au sol. L'homme ne bougeait pas.
Vint une sorte de murmure qui se transforma, gagna en volume. L'homme distingua nettement les mots, les mêmes, encore et toujours. Il recula brusquement et se mit à hurler.