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Sondages à l'Assemblée
Les quotidiens et les mags, la télé et le Net se gavent de sondages. Lesquels frôlent dans leurs méthodes la correctionnelle, quand ils ne la franchissent pas, comme IPSOS dernièrement. On pourrait croire que tout ça n'est qu'écume quotidienne, que ces haut-parleurs d'une opinion fantasmée de conservateurs très aisés ne fait pas une politique, un projet, une loi...Et pourtant.
'IPSOS continue à être inquiété plus que sérieusement pour sa collaboration étroite avec le pouvoir du quinquennat précédent. Une affaire qui vire au feu de forêt, Opinionway, Ifop et TNS-Sofrès ayant été placés ces dernières semaines sous statut de témoins assistés.
Au-delà du gaspillage financier, de la frénésie du pouvoir et de la légitimité politique d'une telle pratique, il faut bien constater qu'encore une fois, pour conduire les affaires publiques, le pouvoir fait appel aux intérêts les plus privés.
Lesquels répondent à deux logiques. Fidéliser le client et faire de l'argent.
En toute logique, on ne s'étonnerait pas vraiment que les résultats produits par IPSOS soient conformes aux présupposés du client fortuné et influent. On ne s'étonnerait pas non plus que l'entreprise pousse à sonder le plus possible, maximiser son rôle, engranger les bénéfices. C'est à ce prix qu'on parvient à être cotée Paris Stock Exchange et qu'on accède, comme Didier Truchot, patron et fondateur d'IPSOS, au rang de grande fortune avec une rémunération globale de 428570 € en 2014.
Voilà pour le décor vénéneux. Mais les dérives ne se cantonnent pas à cette profitables collusion sommet de l'Etat-sondeurs, et la recherche narcissique reflet présidentiel dans l'opinion publique telle que la bricolent les apprentis sorciers de l'opinion.
Quand on fait une recherche par mots-clés sur le site de l'Assemblée Nationale, on obtient des résultats surprenants, qui témoignent de la présence sinon de la prégnance des sondages sur toute une classe politique.
Les députés s'appuient régulièrement sur les sondages. Ipsos, mais également
IFOP, Sofrès, LH2, Odoxa, BVA.A des degrés divers, les sondages semblent donc constituer un horizon de réflexion, une représentation de la société et de ses aspirations sur laquelle les élus du peuple, tous bords confondus, s'appuient pour légitimer projets, actions et réactions.
Il faudrait voir plus près pour cerner les différences, depuis l'alibi majeur de production d'une loi jusqu'à la simple mention, mais le sondage semble bel et bien être un instrument qui ouvre sur une politique, quand celle-ci n'est pas une réaction à la volonté publique qu'exprimerait les sondeurs et leurs produits.Et pourtant les sondages, sans parler de l'affaire Ipsos et de diverses condamnations en justice pour malversations caractérisées – dernièrement l'IFOP –, sont des outils absolument sujets à caution avec une légitimité, une fiabilité et une transparence tout à fait indigente. Ici, un résumé des critiques portées aux sondeurs et aux sondages.
Elles sont d'ailleurs de plus en plus nombreuses les voix qui dénoncent ces organismes. D'abord un garde-fou branlant. Leur organisme de surveillance, la Commission des sondages, semble à peu près inoffensive, en tous cas absolument pas armée statutairement pour obliger les sondeurs à faire passer l'intérêt général au-dessus des collusions, des biais et du profit.
Ensuite, il ne faut pas regarder bien loin pour voir que les sondeurs ont toujours des idées très précises sur les questions. Et donc les induisent bien souvent en provoquant les réponses qu'ils attendent avec des questions unidirectionnelles.Comme ils fabriquent des panels – groupes de population représentatif – dont on comprend à la lecture de certains résultats qu'ils sont absolument pas homogènes, ou réels. Par exemple, la personnalité de Macron séduirait selon les panels de certains sondeurs, jusqu'à la gauche bien rouge. Autant dire que le Front de Gauche ou le NPA sont « séduits » par Macron. Impensable, bidon.
Leurs marges sont vastes, leurs regrets inexistants en cas de plantage. Leurs questionnaires ne s'intéressent jamais à la perception des salaires, des inégalités sociales, des allocations ou de la violence policière. L'univers des personnes attendues pour une politique, une élection est toujours celui des notables qui occupent le devant de la scène médiatique depuis trente ans ou plus.Bref, éthique minimale, méthodes limite trucage, conservatisme permanent quant aux questions et aux personnes faisant l'objet de sondages et opacité totale sur leurs agissements.
La cuisine des sondeurs est censée refléter la pensée, les croyances et les volontés du peuple au jour le jour, puisque les sondages sont de plus nombreux. Pourtant, ses recettes et ses ingrédients font monter parallèlement toutes les suspicions et toutes les craintes.
Il n'empêche, les garants supposés de l'intérêt général reprennent allègrement cette opinion fabriquée, sinon falsifiée au point de subir le bras de la Justice.Certains auront tendance à voir une claire symétrie entre les entreprises à fabriquer privativement du sondage pour des profits maximaux, et la politique néo-libérale que prônent et pratiquent les partis au pouvoir avec une démagogie permanente et des réponses qui ne s'adressent de moins en moins à la majorité des français, mais à l'image que les politiques veulent en avoir. Qu'en pense la majorité ?...
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