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Père Uber - Conte d'auteur participatif
MAJ 25/01/2020
La petite édition va mal, plus mal chaque année qui passe. Plus de fermetures, moins de création de nouvelles maisons. Le poids du Marché, de ses critères, de ses vainqueurs et de ses rélégués s'expriment dans les chiffres des ventes des multinationales de la grande édition. Sous la tyrannie du chiffre, les petits éditeurs souffrent et tentent de trouver les formules pour transférer la charge. En bas de l'échelle, le créateur la reçoit. C'est toute une ubérisation qui s'opère. Qui va s'étendre et toucher ceux-là mêmes qui l'ont provoquée. A moins que...
ans l'annuaire Audace 2013, dernier paru à ma connaissance, il est précisé que la maison Untel fait du C.E., ou compte d'éditeur. Une maison P, comme petite, sans T. comme Tomates (critiques) ou autres déconvenues révélées par l'analyste. Deux critères pour cette nouvelle maison, à l'époque : une écriture et un certain à-propos. Champ sémantique : roman, nouvelle, essai et plus si affinités. Des défricheurs qui vont de l'avant, l'esprit ouvert. Corrélations : courage, candeur, intégrité.
Je suis à la terrasse d'un café collé au théâtre de Sète. La douceur de l'air est immense. Le mois de septembre est bien le mois le plus tendre, merci Nougaro. Une aimable connaissance, attablée avec moi, m'a révélé que son mari écrit, de la poésie. Bien. Et qu'il vient d'être édité. Bravo.
En réalité, elle me l'avait confié quelques semaines auparavant, dans ce même café. Nous étions à l'intérieur, il faisait plus que chaud, à ce moment-là. Aujourd'hui, elle en vient aux détails.
Le deal auteur-éditeur s'est fait par C.R. Selon la terminologie Audace. Connaissance, on fait, par Relation(s) mondaine. Apéro, dîner, contact, échange, on fait connaissance, on se fait une relation précieuse. Vous écrivez ? J'édite. Vous éditez ? J'écris. Ces moments festifs ne se déroulent pas dans les appartements vieillots des quartiers populaires. Sans être dans le gratin, on est un peu plus haut. Entregent.
« Heureusement qu'on avait Machin pour faire la maquette », me dit-elle, « parce qu'ils ne bougeaient pas ». Les défricheurs, découvreurs ont dit « oui » puis ont attendu benoîtement. Au mari, à l'élu de présenter un manuscrit corrigé, maquetté, déjà éditable. Bon. Elle et lui ont des amis divers et variés parmi lesquels un maquettiste. Ils ont présenté l'objet fini à l'éditeur qui a pris son temps pour accepter. Contrat à C.E. ? Pas vraiment.
L'amie : « Alors, on achète les livres 6€ l'exemplaire et on les revend 13 ».
Prix éditeur, qu'on multipliera par deux à la vente. Merveilleux. On appelle ça du C.P., Contrat Participatif. L'auteur, après avoir fait ce qui incombait avant à l'éditeur, la relecture, la mise en page, couverture et quatrième de couverture, le rémunère en lui achetant, une cinquantaine d'exemplaires de l'ouvrage. Pratique répandue, voire très répandue. En tous cas, j'ai eu la même proposition avec un éditeur évidemment séduit par un de mes livres, durant les Voix Vives, dont j'ai parlé précédemment.
A charge pour l'auteur de se rembourser en vendant les ouvrages. S'il a suffisamment d'amis, de connaissances. Sinon, il fera les salons de l'auto-édition, s'il est admis, n'étant pas vraiment un auteur en C.E., et pas tout à fait en C.A. Il assiégera les libraires qui prennent peu d'ouvrages produits ainsi et posent dans un coin la littérature qui n'est pas annoncée, pas présentée – résumé, bio de l'auteur – auparavant, assimilant eux aussi la chose à du C.A., Compte d'Auteur. Car, bien sûr, l'éditeur, en termes de communication, aura lancé des avis de parution sur les réseaux sociaux, mis en ligne la version numérique sur son site et peut-être sur des plate formes consacrées au livres électroniques. Et-c'est-tout. L'auteur, qui a tant de relations, qui est capable de vendre au ban et à l'arrière-ban de sa micro-société, saura bien nouer contact avec un animateur radio, une présentatrice culturelle à la télé, un youtubeur liké à mort, avec trois mille abonnées, 259000 vues.
Après s'être un peu usé sur le terrain devant les amis ingrats, les contacts infructueux et les portes blindées, il apprendra que, dans le temps, l'éditeur adressait un « service de presse » à ces précieux prescripteurs médiatiques, ainsi qu'un appareil critique pour présenter, valoriser l’œuvre nouvelle.
Il enverra, donc, son communiqué de presse personnellement concocté, heureux les innocents. Ainsi qu'un ou plusieurs de ces exemplaires qu'il destinait à la vente. Ainsi, peut-être, un jour l'animateur, la présentatrice, verront-ils sous la pile des classiques, des reconnus, des éditeurs de renom, des connus (moins), des relations (proches et cordiales), l'ouvrage de Untel (inconnu, pas relationné, (ni cordial et pas proche du tout), un ouvrage produit par les éditions U...comme Untel. Et l'auteur commencera à attendre.
Dès 2010, Le Point, avec le vocabulaire boursier signifiant la prééminence croissante de l'argent dans l'édition comme ailleurs, saluait un « formidable effet levier », l'émergence forte du Compte Participatif.
L'Oie Plate, quelques années plus tard, association d'information des auteurs, voyait clairement dans ce compte participatif une variante moderne du Compte d'Auteur (voir « C/A MAQ »).
Ce développement de contrats éditoriaux par lesquels l'auteur porte sur ses épaules l'éditeur, ou le recul croissant des droits d'auteur - culminant aujourd'hui à 7% pour la fiction, voire moins - n'ont, bien sûr, rien à voir avec la concentration en cours de l’édition industrielle – il y avait 111 groupes et indépendants (palmarès Livres-Hebdo/Gfk) en 2017, plus que 104 en 2018. Près de 90% du C.A. de l’édition est généré par les 10 winners de ce classement,
Édition industrielle qui ne supporte pas que « les petits éditeurs encombrent les tables des libraires », selon le mot connu d'Antoine Gallimard, président du SNE, et maître d'une maison de production textuelle, C.A., environ 574 millions d'euros.
Ça n'a non plus rien à voir avec l'absence quasi-complète des petits éditeurs dans les lucarnes culturelles et sur les rayons des libraires, de plus en plus affiliés à des réseaux qui leur imposent des mises en avant millimétrées des livres sur les rayons, selon des critères prioritairement marchands.
Tout ça n'a définitivement rien à voir avec un profil marché implicitement défini par ce même Marché, excluant l'exigence littéraire, au profit trop souvent d'un style tout-terrain, d'histoires passe-partout, qui ratissent large et particulièrement « à l'international ». Perspectives financières saluées comme il se doit par le ou la ministre de la Culture de Marché. Hier (longévité un an et demi) Mme Nyssen, patronne du groupe d’édition industrielle Actes Sud. Aujourd'hui, M. Riester, un homme éminemment spécialisé dans...les garages automobiles.
En attendant l'embellie, les auteurs amateurs ou confirmés se résoudront souvent à faire plus que leur part pour voir imprimées leurs œuvres. Ceux qui leur en voudraient perçoivent mal l’uberisation à l’œuvre dans l'édition comme ailleurs, et le désir de reconnaissance sur lequel elle se déploie.
Peut-être les grands éditeurs scient-ils la branche sur laquelle ils sont assis en cherchant à marginaliser les petits éditeurs. Quoique. Ces "grands" éditeurs publient bien plus que les petits. Selon le SNE: « il y a les « grandes maisons » – 20 éditeurs ont plus de 5 000 titres chacun – et il y a les « petites structures éditoriales » – environ 5 000 éditeurs ont moins de 10 titres chacun ». D'un point de vue quantitatif, le match est plié. Du côté de la qualité, qui publiera des œuvres novatrices, subversives, en retrait, sinon en opposition, aux critères marchands, sinon les petits éditeurs axés sur la qualité littéraire, la profondeur hétérodoxe d'un essai ? On objectera que des structures liées à l'édition industrielle au niveau de la distribution ou autre, par exemple Les liens qui libèrent publient des œuvres critiques tout en étant distribuées par Actes Sud. Dans quelle mesure ces maisons ainsi liées publient-elles des titres différents, réellement libres par rapport aux exigences marchandes ? Dans quelle mesure les auteurs publiant dans cette structures ne s'auto-censurent-ils pas ?
La situation comporte trois éléments clairs. Les ventes de livres baissent, le livre est supplanté, relégué peu à peu par l'image. Les petites structures subissent une uberisation rampante, où l'auteur joue le rôle du chauffeur. Uber fournit son nom et ses « listes » de personnes à transporter, le chauffeur fournit le véhicule, le travail, la sécurité du voyage, et sa disponibilité, moyennant quoi il touche une fraction de l'argent reçu par la société Uber, qui reverse selon des conditions qu'elle est seule à déterminer. L'auteur-chauffeur écrit, fournit un manuscrit publiable en l'état et assure la promotion de livres qu'il vendra lui-même.
Évolution que les petits éditeurs et leurs auteurs subissent en grande majorité, pour n'avoir pas les moyens sur la durée d'assurer un service éditorial et des rémunérations correctes aux auteurs, sans se départir du « travail », trop couteux, pour n'être que des espèces de logos. Lesquels n'assurent plus vraiment une qualité, puisqu'ils fonctionnent dans une marginalité, une insécurité financière maximale qui les conduit à privilégier, comme les grands éditeurs, la recherche du livre, de l'auteur qui se fera connaître, vendre, voire racheter au prix fort par un grand éditeur. Nombre de petits éditeurs n'ont, malgré tout, que faire de cette logique, et même lutent contre. Je grossis le trait pour faire émerger la tendance.Troisième élément, la concentration de l’édition qui provoque une pression de plus en forte pour produire des livres bancables, écartant de plus en plus le critère de qualité au profit...du profit.
Devant cette situation qui illustre le poids des conditions financières dans les deux domaines observés, petite et grande édition, un rééquilibrage semble urgent.
La perspective logique dans les années à venir est la suivante. Le phénomène d' « uberisation » touchant la petite édition ne saurait épargner la grande. Comme dans n'importe quelle structure de commerce on recherche et on recherchera de plus en plus la maximisation des profits, qui passe par la minimisation des coûts. Les auteurs chez de grands éditeurs, seront eux aussi contraints de fournir un service « élargi », reprenant à leur compte des obligations jusqu'alors assumées par l'éditeur. Quant à leur rémunération, elle est déjà rabotée depuis quelques années, passant de 10% à 7% - 5% pour certains éditeurs. L’uberisation renverra la rémunération des auteurs aux oubliettes, de tous les auteurs, sauf quelques stars, une poignée, qui négocieront au couteau leurs émoluments. Les grandes lignes du tableau sont déjà tracées.
Face à cela, nous avons un éparpillement des volontés, tant du côté petits éditeurs que côté auteurs. Chacun vit le mythe du héros dont la destinée manifeste est de montrer à tous la lumière, après avoir traversé les épreuves, l'ombre, par la seule force de son unicité. Ainsi, les multinationales de l'édition, le Ministère, n'ont pas de soucis à se faire. Pas de collectif opposé à l'ultra-libéralisme qu'ils répandent. Pas de volonté commune de renverser l'ordre forcé des choses. Les éditeurs vont gentiment chercher leur obole, ou leur pactole, dans les cuisines sombres du CNL, ou « L’affectation de chaque demande à la commission compétente relève de l’appréciation du CNL ».
Quant aux auteurs qui souhaitent éviter d'être le sherpa d'éditeurs aux finances étiques, ils pourront eux aussi montrer patte blanche au CNL et demander des aides, sous réserve de remplir les conditions multiples exigées, notamment le fait d'avoir été publié au moins une fois. Un trait d'ironie, sans doute, quant on sait que passer du tiroir à la publication chez un éditeur papier, est une des choses les plus difficiles qui soit, pour un auteur, particulièrement aujourd'hui.
On peut penser que les choses ne changeront pas, dans le domaine de l'édition, tant que les multinationales du secteur imposeront leur credo profitable et l'impératif des dividendes croissants, et que les ministères successifs cautionneront cette ligne.
On peut s'attendre à ce que les choses changent en surface pour que rien ne change en profondeur, avec un saupoudrage discrétionnaire toujours pratiqué dans les soutes du CNL, ou pire. On m'a certifié, au salon de l'Autre Livre où j'étais convié comme auteur il y a quelques années, que des émissaires de Sarkozy circulaient pour distribuer des invitations en privé aux auteurs et éditeurs « méritants ». Ragots, sans doute.
Les choses évolueront si les acteurs écartés, laminés prennent conscience que leurs destins individuels sont dans les rets de conditions sociales qui les sur-déterminent grandement, mais qu'ils peuvent changer. Ce qu'a montré Pierre Bourdieu et qui demeure malgré les diarrhées verbales actuelles de la presse subventionnée pour communiquer et cracher sur les ennemis désignés par le Prince.
Quand ils auront pris conscience, ils pourront agir collectivement et placer leurs exigences au niveau politique.
Priorités politiques.
L’État seul peut et doit enrayer la chute du Livre. Au lieu de laisser une chaîne aux sénateurs, la lucarne serait heureusement confiée aux acteur du Livre et baptisée "chaîne du Livre", avec un modèle de direction mêlant des citoyens lambdas, des pros et des agents de L’État. Pour illustrer le Livre, sans prime à l'actualité mais à la qualité nécessaire, les valeurs que porte la littérature – liberté, conscience, prescience... Une chaîne d'éducation populaire, de création, de stimulation, d'élucidation, régie par les valeurs éloignées du credo minable et nuisible que soutient l'actuel gouvernement. Sans pour autant qu'elle soit ennuyeuse ou dogmatique.
Dans le même temps, plusieurs lois fortes sont urgentes pour rééquilibrer le profit et le partage du profit, la qualité du Livre et la quantité d'exemplaires vendus, sur le modèle de la loi encadrant le prix du Livre, dite Loi Lang, qui s'est imposée rapidement et universellement.
Ceci, pour entamer une réelle refondation de la présence, de l'importance du Livre. Et au-delà de la vie culturelle, non pas comme danseuse, appendice des bulldozers marchands et de l'édition industrielle grimée en vecteur de liberté, de création.
Rien de tout cela n'était possible avec la régression politicienne que nous subissions depuis des années avec des communicants roses ou bleus, tous aux ordres de la finance et de ses calculs minables et mortifères.
Ça l'est encore moins avec le représentant actuel de l'Ancien Régime, dans tout ce qu'il a de plus autoritaire et méprisant pour les exigences sociales. Mais l'avenir est ouvert, du moins tant que d'autres urgences encore plus impératives, ou la folie de quelque état certain de sa nécessaire domination du monde, ne rendent le Livre, la Culture secondaire devant la Survie.
MAJ 25/01/2020
Reçu il y a quelques jours la réponse d'un petit éditeur à qui j'avais demandé des précisions sur le type de contrat qu'il me proposerait peut-être pour la biographie que je lui avais adressée. Je n'ai, bien sûr, pas donné suite.
Nous avons en effet opté pour l'intégration d'un service de diffusion dans notre maison afin de ne pas être tributaire d'un partenaire extérieur. Ainsi, notre service est composé de 6 personnes qui s'activent chaque jour à faire connaître nos titres aux libraires en leur téléphonant, les mailant ou en se déplaçant pour les inciter à les mettre en rayons.
Nous ne demandons aucun argent pour la conception, l'imprimerie et la promotion des ouvrages de nos auteurs. Notre budget maximum par titre est de 3.700 euros et nous en dépensons en moyenne 2.600 euros. En revanche, nous demandons à nos auteurs de s'impliquer dans la promotion de leurs livres afin de faire un relais local. Nos actions portent en général sur des séances de dédicaces plus nationales (grandes enseignes) et nous apprécions que nos auteurs relaient nos efforts au niveau de la ville ou du département. Afin de permettre cette implication, nous demandons à nos auteurs d'acquérir 40 livres (que vous vendrez naturellement) avec une remise de 30%, cela nous garantit de cette aide précieuse.
Ceci étant dit, une aventure éditoriale débute toujours par l'évaluation d'un manuscrit aussi je vous invite à nous adresser votre travail sur contactdelediteur[arobase]nomeditions.com notre comité de lecture rend ses avis sous 3 semaines habituellement.
Cordialement,A remarquer que l'éditeur s'étend longuement sur les coûts. Avant d'être un écrivain, un livre, une littérature nouvelle et plaisante, un auteur est un coût, autant dire un poids, un boulet. L'antienne du patronat sur le coût hénaurme des salariés...Comme un livre, la prose et le style de ce mail, véhiculent certaines sensations et émotions. En l’occurrence, on ne sent pas vraiment le goût de l'éditeur pour les livres ou les auteurs, un fraternel accompagnement de ses créations, ni un respect minimal. Le respect il est pour les chiffres, le rapport, les ventes.
L'éditeur n'hésite pas, il les balance, ses chiffres. On est prié de croire, sans aucune source – à combien il tire, quelle maquette, quel papier, quelle diffusion.. - à ces chiffres. Qu'il se vante d'arriver à diminuer, quel effort.
On ne me payera plus de mots. On ne prendra plus dans les rêts de la culpabilité, on ne me passera plus la brosse à reluire, pour que je ferme les yeux et ouvre ma bourse.
Pour ma part, j'ai vu dans les salons et autres festivals livresques, de plus en plus de petits éditeurs attentifs à l'argent, à faire de l'argent. Même s'il y a encore pas mal d'idéalistes, d'amoureux du livre et d'amis respectueux des créateurs, dans la petite et micro-édition. Tout cela est évidemment lié au contexte Marché omniprésent, que les autorités, celles du Livre comme celles de l'Etat autorisent, sinon favorisent.
Une structure de diffusion publique, et de distribution, devrait exister depuis longtemps. Non, on laisse couler le vivier des créateurs, la petite édition. Mieux, on l'accompagne dans sa noyade. La situation aurait pu évoluer, sans doute, si les petits éditeurs s'étaient groupés en une force exigeant que le système soit changé. Ils vivent malheureusement sur le mythe de la glorieuse indépendance, la destinée personnelle, chacun sur son Aventin.
Pour les grands éditeurs, l'affaire est entendue. Ils barbotent avec bonheur dans les eaux glacées du calcul égoïste, et tout est compté, millimétré chez eux. Depuis le profil textuel et physique de l'auteur qui sera intégré, jusqu'au discours des représentants de la marque chez les libraires, en passant par les séances de media-training pour les locomotives éditoriales. Sans parler du vivier d'où sera extirpé et propulsé le « nouvel auteur », c'est-à-dire quelqu'un du monde bourgeois, qui a fait une grande école, et qui est recommandé par un(e) ami(e), ou présenté dans une soirée de happy few.
Et qui saura camper quelques univers post-proustien ou exotiques, ouvert sur le mond(ialisation)e. Il saura disséquer, petit doigt en l'air, les turpitudes de la bourgeoisie parisienne, mieux, yvelinoise. La mettre en scène avec tous les codes qui réjouissent le cadre moyen, la lectrice provinciale rêvant à cet autre monde si supérieur, si bien élevé.A moins, suprême encanaillement, qu'on n'extirpe de sa boue du Loir-et-Cher un auteur « brut », pour exalter sa patine primitive, sa gouaille si terroir, en faire une sorte de Kersauzon du livre – qui, d'ailleurs, vient de faire paraître quelque chose, et qui tout de suite se voit reçu par la lucarne en chef : Ruquier.
Toutes ces préséances accumulées font que le modèle monarchique, le fait, le dit, l'attendu du/des Princes dominent, harmonieusement liées au Marché.
J'ai pensé et écrit le livre que je propose et ne toucherai au final que sept misérables pour cent des ventes de ma création. En outre, je parcourrai avec diligence les salons, tirerai par la manche les journalistes, ou me livrerai à l’œil froid d'une vidéo.Alors, j'ai la faiblesse de refuser d'acheter mes ouvrages. Quant aux storytelling et aux mythes saisonniers tirés du grand chapeau de l'Edition industrielle, j'y suis étranger.
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