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Enregistré saoul
a fête était un peu partie,
On partait vite dans ces années-là
Brel n'était pas encore de marbre scellé
Jackson virevoltait son moonwalk
Les dernières lueurs de l'ancien monde tremblaient devant Mordor
Le Sud s'apprêtait pour sa vente à la découpe sur Paris
Glacé et chaud, timide un brin
Il a sauté sur la première bière tiède et dégoulinante
Dominaient les noirs et ocres sur les tables rudes
La grange était sans fards
L'espérance urgente et le blasé de rigueur
Tournaient les notes violentes et les alcools secs
Il fallait la faire rêver cette nuit du Sud
On ne savait pas ce qui guettait à l'horizon
Au moins le travail, au pire l'âge adulte
Elle est venue comme on s'abandonne
Entre les volutes d'herbe elle tenait la dragée haute aux mirages
Joli miracle sur l'autoroute d'une soirée mal partie
A cet instant, il était vieux d'au moins quelques siècles
Elle naviguait en blanc, la mode ne lui rendait pas hommage
Son regard sur lui s'est posé
Cartographiant cette terre perdue
Sa main est venue, l'a levé du sol d'un geste infiniment lent
Douloureusement gracieux, son sourire pleuvait sur lui comme baume sur une plaie
Debout, matelot du dernier démembrement, debout
Ses lèvres, mon dieu, se sont approchées, soudées
Sa bouche a dit douceur, amour au cœur du monde
Quelques décennies plus tard, reculant d'un souffle
« Tu avais l'air si seul », elle a soufflé.
Alors à deux, ils sont sortis
La nuit titubait joyeusement
L'herbe sentait la chaleur de fin d'été
Et la pluie qui patientait
La Terre n'avait plus d'heure au moins pour un moment
Il s'est demandé une seconde s'il pourrait faire hommage
A la blanche, noyée dans les éclats de lune
Elle a entouré d'une main son cou et son regard s'est déposé
Sur ses yeux pour caresser ce sexe mutant
Qui enfoncerait toute barrière
Tête en avant
Soldat perdu d'une génération sans nom
Toujours votant pour que jamais ne s'achève la nuit.
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